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L’extermination de l’intelligentsia algérienne (1993-1998) – Sur le massacre des intellectuels par les islamistes armés

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  L’extermination de l’intelligentsia algérienne (1993-1998) -  Sur le massacre des intellectuels par les islamistes armés  dans ALGERIE HISTOIRE SOCIETE          Genocide_2

On peut considérer par convention que la guérilla des islamistes algériens commence effectivement le 13 février 1992, date de l’attentat de la rue Bouzrina (Casbah, Alger), qui a coûté la vie à six policiers, attirés dans une embuscade. C’est exactement une année et un mois plus tard, soit le 14 mars 1993, que tombe le premier intellectuel (Hafid Sanhadri, cadre du ministère de l’emploi) sous les balles assassines des fondamentalistes armés. Et depuis, les meurtres d’artistes et d’intellectuels se poursuivent jusqu’en 1998, parfois au rythme de plusieurs par mois. C’est ce qui indique l’existence d’un plan préétabli, avec des listes attestées d’intellectuels à abattre, triés en raison de leur disposition critique face à l’idéologie islamiste…

         On assiste entre 1993 et 1998 à la mise en exécution d’un véritable projet d’extermination des intellectuels algériens par les islamistes armés, toutes tendances confondues. C’était un « génocide programmé ». On ne s’attaquait pas seulement aux intellectuels francophones, considérés par eux comme une continuation maléfique de la présence française, mais même aux arabophones qui faisaient entendre un son de cloche différent. Un terme d’origine afghane, chargé en valeurs négatives, servait à désigner les membres de l’intelligentsia non islamiste : ce sont des « communistes » (chouyou’iyoune)! Dans l’idéologie islamiste, un « communiste » représente l’ennemi par excellence, un ennemi à la fois puissant et injuste, comme l’étaient les Russes (communistes) pour les Afghans musulmans. Mais c’est aussi un « athée », un « laïque » ou un « apostat », ce qui signifie indistinctement à leurs yeux kâfir (mécréant), méritant d’être exécuté pour délit de mécréance. En plus d’être injustes, apostats et ennemis de la religion (‘adouw allah), ces intellectuels constituent aussi aux yeux des islamistes les « suppôts » les plus objectifs du Tâghout, le pouvoir désigné par le terme de « Tyran ». On se rappelle que la déclaration de djihad d’Ikhlef Cherati ciblait non seulement le pouvoir mais aussi « ses soutiens » et les « partisans de l’occidentalisation » en général. On se rappelle aussi les paroles d’Ali Benhadj, répercutées dans les organes du FIS, qualifiant les journalistes de « judéo-sionistes ».

Ces convictions sont partagées du reste par toutes les tendances du maquis. L’un des premiers émirs du GIA, Jaafar al Afghâni (septembre 1993 – février 1994), prononce une terrible sentence dans un entretien accordé à un journal arabe : « les journalistes qui combattent l’islam par la plume périront par la lame » (Zerrouky, p. 127). Combattre l’islam, c’était refuser l’ordre que les fondamentalistes voulaient imposer. Or, la presse indépendante et les intellectuels critiques, qui ont eu accès à une grande liberté d’expression (surtout écrite) après 1989, sont majoritairement opposés au projet de constitution d’un état théocratique en Algérie. Ils l’ont exprimé à travers leurs publications et leurs prises de position, et c’est ce qui les a directement désigné à la vindicte islamiste. En Janvier 1993, des feuilles de Minbar al Djoumou’a, une publication clandestine du FIS, accrochées à l’entrée de la mosquée « Le Plateau » à Alger, dressaient une liste d’intellectuels et de journalistes à assassiner. La littérature du GIA appelait à liquider la « presse mercenaire » qu’elle accusait d’altérer la réalité de la lutte armée et de mener « une guerre médiatique contre le djihad ».

Les premières personnalités ciblées sont les intellectuels du CNSA (Comité National de Sauvegarde de la République), qui avait appelé, rappelons-le, à l’interruption du processus électoral après la victoire du FIS au premier tour des élections législative du 24 décembre 1991. Le 14 mars 1993, à la cité Garidi (Alger), tombe Hafidh Sanhadri, cadre du ministère de l’emploi, porte-parole du CNSA, assassiné près de chez lui.
Djilali_Liabes__sociologueDeux jours plus tard, le 16 mars, est assassiné le sociologue Djilali Lyabès, ancien ministre sous le président Boudiaf. Le 17 mars, le Dr Lhadi Flici, pédiatre, est à son tour abattu dans son cabinet de la Casbah.
Tous les partis politiques condamnent ces assassinats, mis à part les islamistes dits « modérés », qui n’avaient pas pris les armes, comme le parti Hamas de Mahfoud Nahnah et le parti Nahdha de Djaballah. Au lieu de prendre des mesures urgentes, le chef du gouvernement de l’époque, Bélaïd Abdesselam, se lance dans une attaque en règle contre les « laïco-assimilationnistes », étiquette insultante par laquelle il désignait les membres des partis démocrates et les intellectuels.

Le 22 mars 1993, le chef du puissant syndicat étatique UGTA, Boualam Benhamouda, qui avait échappé à un attentat, appelle à une marche de protestation contre ces assassinats et le terrorisme en général. 500 milles personnes ont courageusement défilé à Alger, en scandant des slogans demandant à juger les assassins.

La mobilisation populaire n’a pourtant pas freiné les exécutants du projet d’extermination des gens de plume. Une Omar_Belhoucher__directeur_d_Al_Watanfemme, Karima Belhadj, cadre de l’administration de la police, est assassinée le 3 avril et le 10 avril ; El Hachemi Cherif, ancien colonel de l’ALN, chef du parti de gauche Ettahadi [le Défi], échappe miraculeusement à un attentat. Les communistes (les vrais cette fois) et les hommes politiques soupçonnés d’être « de gauche » sont particulièrement ciblés, car assimilés aux Russes mécréants. Le 17 mai, le directeur du journal Al Watan, Omar Belhouchet, personnage symbole de la presse libre en Algérie, échappe à une tentative d’assassinat à Bab Ezzouar (Alger), devant son fils, alors qu’il conduisait celui-ci à son école. Le même jour, des terroristes rôdaient autour du siège du journal Le Matin, munis de photos agrandies de journalistes à tuer. Alertée, la police les a éliminés, non sans peine.

Tahar_Djaout___crivainL’assassinat qui a provoqué un profond émoi fut celui de l’un des plus grands écrivains de l’Algérie indépendante, Tahar Djaout, sans doute parce qu’il ravive dans la mémoire populaire le souvenir de l’assassinat d’un autre écrivain, Mouloud Feraoun, par l’OAS en 1962. Ancien professeur de mathématiques à l’université de Bab Ezzouar, poète, journaliste et écrivain de notoriété internationale, Djaout (auteur entre autres de : Les vigiles, L’invention du désert, Les Chercheurs d’os, L’exproprié, Le dernier été de la raison; cf. bibliographie) avait pris auparavant des positions dures contre l’intégrisme, qu’il qualifiait de « fascisme théocratique ». Il avait écrit dans l’une de ses chroniques une phrase prémonitoire devenue le slogan de la presse indépendante en Algérie : « si tu parles, tu meurs, si tu te tais, tu meurs, alors écris et meurs ! ». Le 26 mai 1993, deux jeunes qui l’attendaient dans l’escalier de son immeuble lui tirent deux balles dans la tête avant de prendre la fuite. Le malheureux succombe à ces coups quelques jours plus tard. Ses funérailles en Kabylie furent émouvantes et grandioses.

Mahfoud_Boucebci__p_re_de_la_psychiatrie_alg_rieenneLe 15 juin 1993, à 9h30, Mahfoud Boucebci, figure emblématique de la psychiatrie algérienne, président de la Société Algérienne de Psychiatrie, vice-président de l’Association Internationale de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (auteur notamment de Psychiatrie, société et développement et de Maladie mentale et handicap mental), connu pour son opposition à l’islamisme, est poignardé à l’entrée de l’hôpital Drid Mohamed où il exerçait ses fonctions. Une semaine plus tard, le 22 juin, le sociologue Mhamed Boukhobza, qui avait travaillé avec Pierre Bourdieu, réputé pour ses recherches sur la disparition de la société pastorale en Algérie, est ligoté ainsi que le reste de sa famille dans son domicile du Télemly (Alger). Isolé dans une pièce de son appartement, il fut égorgé comme un mouton puis poignardé. « Une à une, les têtes pensantes de l’Algérie sont froidement liquidées » (Hassane Zerrouky, p. 132).

Les assassinats continuent pendant l’année 1994, avec le meurtre le 5 mars du directeur de l’école des beaux arts d’Alger, Ahmed Asselah et de son fils unique, Rabah. Cet homme avait fait de son école l’une des meilleures d’Afrique. Un peu plus d’un mois auparavant, le 30 janvier est tué Rachid Tigziri, dirigeant du parti Abdelkader_Alloula__dramaturgedémocrate le RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, considéré comme « impie » car prônant la laïcité). Le 1er février, Olivier Quemeur, caméraman de la chaîne ABC, est criblé de balles à la Casbah, tandis que ses collègues, Yves Ménari et l’australien Scott Allan White, sont grièvement blessés. L’aversion des islamistes armés pour l’art se poursuit avec l’assassinat le 10 mars à Oran d’Abdelkader Alloua, le plus grand dramaturge algérien, animateur pendant plus de 30 ans d’un théâtre en arabe populaire (il avait mis en scène El Ghoula de Rouiched, Le sultan embarrassé de Tewfik al Hakim, Numance de Cervantès, etc. il a joué aussi comme acteur dans plusieurs autres pièces et films et a adapté en arabe algérien Gogol et de Gorki, avec son ami Medjoubi).

Le journal indépendant Hebdo Libéré, farouchement anti-islamiste, fut ciblé le 21 mars par une attaque terroriste se soldant par la mort de deux journalistes et d’un chauffeur. Le professeur Salah Djebaïli, célèbre chercheur en écologie, spécialiste des régions désertiques et recteur de l’université de Bab Ezzouar (Alger), fut abattu le 31 mai. Il refusait d’ouvrir des salles de prière à l’intérieur de son établissement. Ferhat Cherki, journaliste, et Youcef Fathallah, président de la LADH (Ligue Algérienne des Droits de l’Homme), furent respectivement assassinés le 7 et le 18 juin. Le directeur de l’Ecole Vétérinaire d’Alger (ENV), Mohamed Bekkouche, est tué le 10 juillet à l’intérieur de son école, située dans la banlieue est d’Alger. L’islamologue et professeur de sociologie Rabah Stambouli, promoteur d’un islam tolérant et progressiste, est abattu le 23 août à la sortie de l’université de Sa_d_Mekbel__Directeur_du_quotidien__Matin__assassin_Tizi-Ouzou. Antar Zouabri tue avec son groupe les journalistes Ahmed Issaad et Lakhal Yasser le 31 novembre 1994. Saïd Mekbel, directeur du quotidien indépendant Le Matin, auteur d’une chronique corrosive contre le pouvoir et les islamistes, est assassiné le 4 décembre alors qu’il s’attablait dans une pizzeria située non loin des bureaux de son journal. Il laisse derrière lui notamment un court et beau texte, écrit le jour de sa mort et intitulé « ce voleur qui… » (*), un billet qui résume à lui seul l’état de la corporation journalistique, prise en étau entre la répression du régime et les armes des barbus. Le cinéaste et réalisateur Djamel Fezzaz [qui a réalisé notamment La grande tentative, L’affiche – qui met en scène l’acteur Rouiched –, Lahn al amal (La mélodie de l’espoir), El Waciyya (le Testament), etc.] est blessé par balles à Bab El Oued le 8 février 1995. Azzedine Medjoubi, directeur du Théâtre national algérien [a adapté Le journal d’un fou de Gogol sous le titre Hissaristân, Les bas-fonds de Gorki, La bonne âme de Se-Thouan de Brecht, etc. ; a monté Aalam el Baaouche (Le monde des insectes), El Houinta (La boutique) ; et a joué dans un grand nombre de pièces comme Hafila tassîr (Un bus en mouvement), Bâb El Foutouh, etc.] est tué devant son établissement le 13 février. Le 15 février tombe à Nabila_Djahnine__f_ministeTizi-Ouzou une militante démocrate, Nabila Djahnine, architecte, féministe responsable de l’association « Cris de femmes » (Thighri Netmettuth). Ces féministes « débauchées » (moutabaridjat, terme presque intraduisible) constituent de graves menaces contre les mœurs et la société islamiques, selon les fondamentalistes.
A Oran, est assassiné le 17 février un grand nom de l’histoire du Raï, Rachid Baba Ahmed producteur de musique et impresario de plusieurs vedettes de cette musique jugée « satanique » par les islamistes, [c’’est lui qui a fait connaître Cheb Khaled, qui a lancé Chebba Fadela, Cheb Sahraoui et Cheb Anouar]. Djamal Zaïter, un journaliste qui se recueillait sur la tombe de sa mère, fut surpris et assassiné en plein cimetière.
Cheb_Hasni__idole_du_Rai
Les assassinats, que nous ne pourrons pas tous citer (cf. une liste de 100 journalistes assassinés entre 1993 et 1997), se poursuivent avec les attentats contre des personnalités publiques, des vedettes de la chanson et contre n’importe qui exprimant une opinion anti-islamiste ou ayant une activité jugée subversive ou non conforme aux canons fondamentalistes. Le 8 septembre 1994, Abderrahmane Rebiha, professeur d’agronomie à l’université de Blida, meurt sous les balles du GIA. Le 26 septembre vient le tour d’Abderrahmane Fardeheb, universitaire, économiste, auteur de plusieurs livres. Le chercheur se savait menacé et tentait d’obtenir un visa pour la France, ce qui lui fut refusé à trois reprises. Le 29 septembre 1994 est assassiné une idole de la musique raï. Après l’avoir sommé plusieurs fois d’arrêter sa musique « démoniaque » et « débauchée », Cheb Hasni, un chanteur prolifique et adulé, est assassiné devant le Matoub_Lounes__assassine_en_1998domicile de ses parents, dans le quartier « Gambetta » d’Oran, malgré son immense popularité. Ses funérailles rassemblèrent d’immenses foules et bouleversèrent la jeunesse algérienne. Au même moment, en Kabylie, le poète et chantre de la cause berbère, Matoub Lounès, est enlevé le 25 septembre et séquestré par un groupe armé dirigé par l’émir du GIA Aït Ziane. Le poète fut jugé par un «tribunal islamique » du maquis et finalement « acquitté » et libéré grâce à la pression d’une formidable mobilisation populaire. Mais le répit fut court, puisqu’il sera criblé de balles le 25 juin 1998, dans des circonstances non élucidées, alors qu’il était de retour chez lui après un long exil en France.

Un climat de terreur est instauré par les islamistes chez les intellectuels. A chaque retour d’enterrement, ces derniers se demandent à qui sera le prochain tour. Les lettres de menace parviennent par centaines aux rédactions de journaux et aux domiciles des concernés. La peur s’installe et les gens apprennent à se tenir laRachid_Mimouni_3 langue pour ne pas subir un sort funeste, d’autant plus que les sympathisants des islamistes armés étaient partout. Les murs avaient des oreilles. Les groupes armés pouvaient en effet compter sur tout un petit peuple de partisans, employés comme informateurs, comme « délateurs » ou sollicités pour assurer la logistique du djihad. Certains artistes et intellectuels changent d’appartement, d’autres déménagent. Nombre d’entre eux modifient leurs itinéraires et leurs habitudes ou se déguisent complètement pour sortir de chez eux. Certains, comme Rachid Mimouni, écrivain qui a eu le courage d’écrire dés 1992 une analyse éclairée du phénomène intégriste (De la barbarie en général et de l’intégrisme en particulier), et Omar Belhouchet, journaliste et directeur du journal Al Watan, furent littéralement traqués, avant d’être la cible d’attentats manqués.

Le gouvernement algérien s’est montré incapable de protéger ses intellectuels et ses citoyens, quand il ne les réprimait pas par-dessus le marché. C’est dans cette ambiance d’impuissance face au crime que se produisit l’une des plus irréparables conséquences de la guérilla islamiste : des milliers d’intellectuels prennent le chemin de l’exil, sans aucun espoir de retour. Les universités se vident progressivement et les cadres du pays affluent vers la France, l’Europe et le Canada. C’est ainsi que l’Algérie est progressivement vidée de son intelligentsia. Mais l’islamisme armé, dont le but consistait à faire taire toute voix discordante, n’a pas réussi à réduire les journalistes et les penseurs algériens. La presse indépendante a continué à critiquer violemment l’islamisme tandis que les intellectuels étaient plus que jamais déterminés à dénoncer le côté « fasciste » du mouvement intégriste.
Les assassinats ont aussi ciblé d’autres personnalités publiques et des cadres de l’UGTA, syndicat officiel mais, paradoxalement, populaire parmi les travailleurs. La « centrale syndicale », comme on l’apelle en Algérie, s’est opposé frontalement à l’islamisme et a connu très tôt des affrontements avec un autre syndicat concurrent, le SIT (Syndicat Islamique du Travail, une organisation mise sur pied par Abassi Madani dont le but est d’enrégimenter les travailleurs dans la tâche de fondation de la République islamique. L’UGTA perdra près de 800 syndicalistes, assassinés par les islamistes entre 1993 et 1997.

Qui sont derrière ses assassinats ? Ceux qui les perpétuent ne s’en cachent pas, loin de là. Ils les revendiquent comme des faits d’armes pouvant assurer à leurs auteurs une place honorable dans la future RépubliqueAnouar_Haddam islamique. Dans un entretien accordé à l’AFP, Anouar Haddam, chef islamiste jouissant de l’hospitalité des Etats-Unis et de l’Angleterre, revendiquait l’assassinat de Boucebci en le qualifiant d’« exécution d’une sentence par les moudjahidine ». Etebcira, bulletin clandestin du FIS, revendique l’assassinat de Tahar Djaout et le justifie par « son communisme et sa haine viscérale de l’islam », au moment où il motive l’attentat contre Belhouchet par « sa francophonie outrancière ». Haddam reprend sa plaidoirie de justification des meurtres d’intellectuels en octobre 1993, en lançant : « Qui sont ces soi-disant intellectuels ? », « nous les connaissons un par un, ce ne sont pas des innocents ! ». Il reprochait notamment aux journalistes « leurs éditoriaux assassins » (Cités d’après Zerrouky, pp. 132-133).

Mourad_DhinaMourad Dhina, un responsable islamiste actif dans les réseaux du FIS à l’étranger, déclare des années plus tard à propos des intellectuels assassinés : « personne n’a pleuré nos morts parmi ceux là ». Il ajoute : « Certains ont choisi une voie de confrontation, une voie de provocation d’une jeunesse, et qu’ils ont payé ce prix. Que ces intellectuels de gauche aient le courage d’assumer leur action, qu’ils disent nous nous sommes engagés dans une guerre et que certains d’entre nous [l'] ont payé de leur vie. Qu’ils en fassent des martyrs pour eux ! » (Mourad Dhina, in Aoudia et Labat). Ainsi, la prise de position politique était tout simplement assimilée par les intégristes et leurs défenseurs politico-médiatiques à l’engagement militaire dans une guerre, sans aucune gêne quant au sophisme démagogique que comporte leur formule. En d’autres termes, on vous tue parce que vous n’avez pas pris notre parti…Voilà qui nous renseigne sur ce qu’est la liberté d’expression et d’opinion dans une République Islamique.
Durant la rencontre de Rome (1995), Ali Yahia Abdenour, avocat du FIS et président de la LADH, dira : « on tue les journalistes et les intellectuels qui ont une position et une opinion » ; il ajoutera : « nous sommes contre les meurtres de journalistes, de militaires et de policiers qui ne sont pas engagés dans la lutte » (El Watan, 12 janvier 1995) [remarquons l’amalgame entre prise de position intellectuelle ou politique et engagement militaire, entre la plume et les armes].
 

Le Front Islamique du Djihad Armé (FIDA)

Tous les djihadistes sont d’accord sur le principe de l’assassinat des intellectuels, assimilés aux « communistes » et aux « apostats ». Des
listes de gens à abattre, confectionnées par des commanditaires informés, circulent dans les maquis. Les exécutants, eux, ignorent parfois jusqu’à l’identité de leurs victimes. Ils tuent un « soutien du Taghout » parce que son nom était apparu sur une liste. Cette répartition des tâches dans le travail criminel permettait aux commanditaires d’avoir les mains propres et aux exécutants d’avoir la conscience tranquille.

Certains de ces meurtres sont commis par le GIA. La majorité reste cependant le fait d’une organisation particulière, à implantation urbaine, spécialisée dans l’assassinat des opposants aux islamistes, des intellectuels, des journalistes et des personnalités publiques. Il s’agit du FIDA, Front Islamique du Djihad Armé. C’est un groupe qui a été fondé par des membres djazaristes du FIS, conduits par Mohamed Saïd. Il recrute essentiellement parmi les étudiants et les enseignants islamistes. Très actif au niveau des universités d’Alger, de Blida et de Constantine, il puisait notamment dans les anciens militants du Mouvement Universitaire pour la Défense du Choix du Peuple (MUDCP). Rien de surprenant de trouver à sa tête essentiellement des universitaires, comme Thâbet El Aouel, professeur de physique à l’université d’Alger, Mohammed Boudjelkha et Mustapha Brahimi, enseignants de physique à Bab Ezzouar (Alger). Le groupe opère discrètement, circule sans barbe et avec de fausses identités et prend résidence de préférence dans les beaux quartiers d’Alger, comme Hydra. « A l’étranger, écrit Hassane Zerrouky, [le FIDA] est représenté par Thabet El Aouel, Anouar Haddam, et Mourad Dhina, tous universitaires » (Zerrouky, pp. 136-137)
Les émirs de l’organisation sont les suivants :

     - Abdelwahab Lamamra (1993 – fin 1995)
     - Mustapha Brahimi, dit Abou Houmâm (1995 – 1996)
     - Mohammed Djebarra (mai 1996 – janvier 1997)
     - Abdelkader Seddouki (janvier – mars 1996)
     - Amine Haddad (mars 1997 – octobre 1998)

Le FIDA a revendiqué un certain nombre de meurtres à travers sa publication clandestine, Al Fida, dont celui de Tahar Djaout, Djilali Liabès, et Ahmed Aselah (entre autres). 
Après la tentative d’unification du mouvement armé de Mohamed Saïd, le FIDA s’est rallié au GIA en 1994. Mais Djamel Zitouni, à l’origine de l’exécution des djazaristes, élimine également l’émir du FIDA, Abdelwahab Lamamra et son acolyte, Hamid Boucha. A partir de ce moment, le FIDA s’éloigne de l’organisation de Djamel Zitouni et se tourne vers les futures AIS et LIDD (Ligue Islamique pour la Da’wa et le Djihad). Son démantèlement par les forces de sécurité les a poussés à accepter l’amnistie de Bouteflika et à déposer les armes. Ses membres bénéficièrent du pardon intégral du président.
L’implication d’une organisation à caractère universitaire dans l’assassinat d’intellectuels soupçonnés « d’occidentalisation » ou « d’apostasie » témoigne de la transposition, par une partie de l’élite islamiste algérienne, des différends qui existaient au niveau intellectuel, sur le terrain armé. Les problèmes qu’on règle ailleurs par le débat, à coups de plume et de polémiques, les universitaires islamistes les ont réglés à coup de couteaux et d’armes à feu.

Republique_islamiquePourquoi ces intellectuels ont-ils été tués ? A quelle logique répond leur mort ? (**) Le préalable à la fondation d’une République Islamique en Algérie s’est avéré être la destruction de la pensée non religieuse par l’élimination physique de ses auteurs. On comprend cette disposition quand on se souvient que pour l’idéologie islamiste il ne s’agit de retenir de la pensée universelle que l’aspect technique, supposé neutre, en rejetant l’immense production intellectuelle sur la société, l’art, la psychologie, l’anthropologie, la philosophie, etc. Ces derniers domaines sont purement abolis et remplacés par la foi religieuse et la législation dite islamique. L’assassinat des intellectuels n’est de ce point de vue que la traduction en faits concrets de cette clause idéologique : pour abolir le savoir non religieux concernant la société (au sens large), il convient en effet de supprimer physiquement ses promoteurs, écrivains, intellectuels, sociologues, psychiatres, philosophes, etc. Cet obscurantisme est directement hérité, avouons-le, des nationalismes de la post-indépendance, dont le souci fut de préserver une soi-disant « personnalité » (islamique, algérienne, etc.) contre « l’invasion culturelle occidentale » [dont cette intelligentsia était la pointe], en s’opposant aux acquis les plus décisifs de la pensée contemporaine.

L’instauration d’un ordre islamique immuable, supposé voulu par Dieu Tout-Puissant, est caractérisé par un unanimisme qui va de l’Unicité tout azimut (un seul Dieu, un seul Dogme, une seule Interprétation, etc.) à la communion dans la Foi. Le temps dans lequel voudrait évoluer la future société islamique est celui de l’abolition de l’histoire. Plus rien ne bougera, une fois l’ordre divin instauré sur terre. Les voix discordantes se situeront de facto dans le camps des hors-la-religion-de-Dieu, des traîtres à l’ordre divin, leurs porteurs deviendront des mécréants passibles d’assassinat. L’ordre intégriste ne laisse aucune place pour les marges, pour la différence, la diversité (sexuelle, intellectuelle, religieuse, sociale, etc.), la dissidence, la dissonance; c’est un centre qui aspire et broie tout sur son passage.

L’idéologie islamiste se donne le monopole de la religion vraie et s’arroge le pouvoir d’excommunier quiconque jugé non-conforme à ses desseins. Grâce à ce pouvoir takfiriste [qui lui permet de déclarer kafir, « mécréant » ou « apostat »], elle réduit ses victimes au statut de « mécréants » dont le meurtre devient licite.
Dans ces action contre l’intelligentsia, l’islamisme armé s’est aussi distingué par des méthodes particulièrement atroces, poussées jusqu’au summum de la barbarie (ex. égorger un intellectuel après l’avoir humilié et dévêtu devant sa femme et ses enfants). Ce mépris des droits humains découle lui aussi des fondements théologiques de l’idéologie intégriste. L’islamisme n’a en effet que faire de droits énoncés par des humains (bachar) quand lui se proclame être « le bras de Dieu », c’est-à-dire l’exécutant terrestre de verdicts divins. Les conceptions humaines font pâle figure devant le Commandement divin et l’homme est selon elle un usurpateur quand il se met à légiférer à la place du Tout Puissant. Or, le Dieu des islamistes n’est pas fait de clémence, mais de terreur envers ses ennemis, ceux qui ont dérogé de la Voie Droite. Ce n’est pas le Miséricordieux, mais le Vengeur (Al Mountaqim) et le Dominateur [qui écrase] (Al Qahhar). Gagner ses faveurs, c’est appliquer sans fléchir ses justes sentences contre les ennemis de la Religion, et elles sont d’autant plus justes qu’elles sont terribles.

Anouar_BenmalekLe problème de la responsabilité morale de tout le petit peuple des Algériens sympathisants de l’islamisme est autrement plus délicat. «  Le boulanger, le chômeur, l’ouvrier, l’adolescent boutonneux, le voisin de palier avec lequel vous plaisantiez le matin avant d’aller au travail, toutes personnes se concevant comme bonnes et honnêtes, écrit Anouar Benmalek, se transformaient peu à peu, à leur insu peut-être, en loups capables de tuer. Ou, du moins, capable de contribuer à tuer, par la délation à la mosquée, le soutien moral et matériel aux « djihadistes », et la complaisante – et non moins criminelle – approbation quand la tête d’un voisin journaliste sera déposée devant le domicile de ses parents : « Ah, il l’avait bien cherché, ce mécréant, à se mettre tout le temps au travers des desseins des défenseurs de la vraie foi ! ». Je n’invente rien malheureusement, j’ai entendu à maintes reprises ce crachat verbal, sous cette forme ou sous une autre, au marché, à l’université, chez l’épicier…après le meurtre d’un écrivain, d’un intellectuel, d’un chanteur » (p. 16).

 

Naravas

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Bibliographie partielle :

  •  Aoudia Malek, Labat Séverine, Algérie 1988-2000 : autopsie d’une tragédie, [DVD-ROM], Ed. Compagnie des phares et balises, 2003.
  •  Benmalek Anouar, 2003, Chroniques de l’Algérie amère, Algérie 1985-2002, Paris, Ed. Pauvert.
  •  Khelladi Aïssa, Le Fis à l’assaut du pouvoir, Alger, Ed. Marsa, 2002, Première édition sous le titre Algérie, les islamistes à l’assaut du pouvoir, Ed. L’Harmattan, 1995
  •  Labat Séverine, Les islamistes algériens entre les urnes et le maquis, Paris, Ed. du Seuil, 1995
  •  Rachid Mimouni, 1992, De la barbarie en général et de l’intégrisme en particulier, Belfond-Le Pré aux clercs.
  •  Zerrouki Hassane, La nébuleuse islamiste en France et en Algérie, Paris, Ed. Editions 1, 2002
  •  Confluences Méditerranée n° 25, Printemps 1998, « La parole aux Algériens : Violence et politique en Algérie », Ed. L’Harmattan (en ligne)  

 

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Notes

(*) Voici le dernier texte de Saïd Mekbel, « Ce voleur, qui… » :
« Ce voleur qui, clans la nuit, rase les murs pour rentrer chez lui, c’est lui. Ce père qui recommande à ses enfants de ne-pas dire dehors le méchant métier qu’il fait, c’est lui. Ce mauvais citoyen qui traîne au palais de justice, attendant de passer devant les juges, c’est lui. Cet individu, pris dans une rafle de quartier et qu’un coup de crosse propulse au fond du camion, c’est lui. C’est lui qui, le matin, quitte sa maison sans être sûr d’arriver à son travail et lui qui quitte, le soir, son travail sans être sûr d’arriver à sa maison. Ce vagabond qui ne sait plus chez qui passer la nuit, c’est lui.
C’est lui qu’on menace dans les secrets d’un cabinet officiel,le témoin qui doit ravaler ce qu’il sait, ce citoyen nu et désemparé… Cet homme qui fait le voeu de ne pas mourir égorgé, c’est lui. C’est lui qui ne sait rien faire de ses mains, rien d’autres que ses petits écrits. Lui qui espère contre tout parce que, n’est-ce pas, les rosés poussent bien sur les tas de fumier. Lui qui est tout cela et qui est seulement journaliste. » (Saïd Mekbel)

 

(**) Les « Qui tue quistes » essayeront d’imposer une vision parcellaire de ces assassinats, en les considérant au cas par cas, en les extirpant de l’ensemble qui leur donne sens. Ils refuseront obstinément de les envisager comme des faits formant une série cohérente, répondant à un plan d’action établi et exécuté par les islamistes armés. Ils préféreront une vision atomiste, policière, sécuritaire, dont le résultat est de dissimuler les liens qui relient les cas entre eux, les liens qui relient les crimes à leurs motivations idéologiques, et enfin les liens entre les assassinats et leurs revendications par les groupes armés dans le contexte où ils étaient commis. Les raisons qui fondent cette vision atomiste transparaissent clairement quand ces mêmes « qui tue quistes » avancent des allégations fictives et improuvables à propos de chaque assassinat : pour eux, Katia Bengana serait un « crime passionnel », un tel est tué par la sécurité militaire, un troisième s’est suicidé, etc. Quand ils parlent des intellectuels assassinés, ils précisent souvent leur couleur politique et minimisent leur importance, comme pour souligner que les victimes étaient tuées à cause de leur « engagement dans une guerre » : ce qui rejoint l’argumentaire du FIS et des groupes armés. Et bien entendu, le résultat des

courses

, toujours selon cette vision, consiste à endosser  tous les assassinats aux services de l’armée algérienne en recourant à des théories du complot abracadabrantes (ça devient, à un moment donné, du Gérard de Villiers politique) et, comme par hasard, à blanchir complètement les islamistes (qu’ils qualifient d’ « opposition armée ») de leurs crimes odieux. On reviendra, dans un prochain post, sur cette vision très favorbale à l’ex-FIS. 
http://anglesdevue.canalblog.com/archives/2009/08/20/14799361.html

20 août 2009

 

Posté par Naravas à 21:22 – CONNAISSANCE DE L’ISLAMISME FONDAMENTALISTE

Les porteuses de feu, documentaire sur les Moudjahidattes de la bataille d’Alger

Min Djibalina Talaâ Saout El Ahrar Younadina Lilistiqlal…

Sansal, Khadra, Daoud… loin de l’art de la tragédie !

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Sansal, Khadra, Daoud… loin de l’art de la tragédie !

Ces derniers temps nous avons assisté à des polémiques autour de textes d’hommes politiques et du pamphlet « Les contrebandiers de l’Histoire » de Rachid Boudjedra.

Ah la bonne heure ! Sommes-nous en train d’entrer dans l’ère de la confrontation des idées avec le verbe et la mise à l’écart de la violence infantilisante cuisinée au dogme et à l’insulte. Il faudrait rappeler à ‘’nos’’ politiques que la magie du verbe donne des fruits quand elle est le reflet d’idées claires traduites en projet cohérent et que leurs prometteurs aient derrière eux non pas des casseroles mais des forces organisées. Sinon inutile de s’agiter, il faut plutôt se souvenir de la fameuse moquerie de Staline sur les paroles incantatoires de la sainte papauté : « Le pape combien de divisions ? ».

Quant à nos écrivains, ils n’ont que la langue pour tenir en respect l’ignorance et la bêtise et ils devraient l’utiliser plus souvent et à bon escient si possible. Les polémiques sont enrichissantes car elles sèment des roses pour égayer et des épines pour titiller paysages culturel et politique. Mais l’art n’est pas uniquement plaisir et distraction, il véhicule aussi une vision du monde et une esthétique de la vie. Alors bienvenue à toute joute qui concoure à l’éclosion d’une véritable école de la critique artistique. Pour l’heure hélas, on en est loin, la pertinence des arguments n’est pas toujours au rendez-vous. Cette violence verbale est le résultat d’un poison qui a suffisamment fait de mal à la culture et au tissu social en général. Une violence orpheline de l’absence de la circulation de la parole dans un pays lui aussi orphelin d’une démocratie adulte.

Pour réparer le corps social de ce double statut d’orphelin, donc handicapant, commençons par considérer la liberté d’expression comme une denrée rare qu’il faut protéger sans pour autant oublier que la liberté est toujours le résultat d’un rapport de force. Ceci dit, s’agissant de notre rapport aux œuvres artistiques, tout un chacun a le droit de les analyser en sachant qu’il est plus difficile de lire une œuvre d’autrui que d’écrire la sienne (dixit Virginia Woolf)(1). En revanche quand une œuvre manifestement est truffée de petits mensonges ou d’imprécisions sur des faits historiques, bref quand elle prend une liberté avec l’Histoire qui a déjà rendu sa sentence des vérités établies, on est en droit de combattre cet outrage à notre intelligence. Les triturations des faits enveloppés par la musique des mots peuvent amoindrir les défenses du lecteur forcément séduit par la renommée de l’auteur et par le plaisir procuré par sa langue. Comme je n’ai pas lu encore « Les contrebandiers de l’Histoire », je ne peux porter de jugement sur ce pamphlet.

Avant d’esquisser brièvement mon point de vue sur le travail de trois écrivains ciblés par Boudjédra, je vais emprunter les chemins abrupts de la théorie et de l’esthétique littéraires pour parler des romans des écrivains en question. D’emblée j’ai envie de dire que la tragédie algérienne mérite un autre traitement que celui utilisé par les écrivains en question. Car la tragédie du pays rassemble tous les ingrédients de l’art de la tragédie grecque. Que ce soit « Le village allemand » (Sansal), ou bien « Ce que le jour doit à la nuit » (Khadra), et enfin de « Meursault contre enquête » (Daoud), ces trois écrivains ont, me semble-t-il, délaissé l’art de la tragédie selon Aristote. Ce philosophe a écrit sur cet art inventé par son pays, et lui a donné ses lettres de noblesse. Cet art (suprême) repose écrit-il, sur le socle du temps de l’histoire qui prime sur l’espace et fait appel à l’intelligence qui fouille tous les ressorts que peut ressentir le spectateur. Or dans les trois romans algériens cités, le traitement de nos écrivains est loin de rendre compte et de la densité de l’histoire et de la blessure d’un peuple, à fois victime d’un oppresseur mais moteur de cette histoire.

Boualem Sansal s’est aventuré dans les banlieues parisiennes avec son « village allemand » dans un ailleurs, loin très loin de l’espace où ont été semées les graines de l’idéologie conservatrice et de l’islamisme politique. Ainsi l’espace dans son village allemand (banlieues françaises) n’a jamais vécu au rythme du temps de cette Algérie soumise à une domination étrangère. Pareille séparation de l’espace et du temps crée forcément de la confusion. Car le temps et l’espace liés à une identité (allemande) avec la charge qu’on lui connaît, ne pouvait que plaire dans des pays qui ont du mal à soulager leur culpabilité (Seconde guerre mondiale) mais aussi à fermer les yeux sur leur responsabilité dans le triste sort des banlieues françaises et le contentieux colonial avec l’Algérie.

Quant à Yasmina Khadra ex-militaire de son état, son roman « Ce que le jour doit à la nuit », même constat. Comme l’histoire se déroule en Algérie, le jour comme la nuit « appartiennent » à un espace colonisé et l’histoire fait par son peuple. Comment rendre compte de la noire tragédie coloniale en faisant vivre une histoire d’amour juvénile sous le soleil généreux du pays ? Impossible !

Comme dans le précédent roman (de Sansal) Yasmine Khadra fait peu de cas de la primauté de l’histoire (dixit Aristote) sur l’espace. Il met l’accent sur les personnages qui évoluent dans un espace colonisé qui dilue la véritable épopée des autochtones devenus des oubliés chez eux.

Ces oubliés de l’Histoire, on les retrouve aussi chez Kamel Daoud dans sa quête pour retrouver les traces de son frère. Or il se trouve que son frère est plus que cela pour les Algériens. Ce frère est à la fois la mère, le père, le fils, la sœur de tous, bref c’est l’Algérie dépossédée de son identité et souveraineté. Qu’Albert Camus introduise un « Arabe » sans nom ni identité pour faire la démonstration de sa philosophie de l’absurde qui lui est chère, pourquoi pas ? Mais le lecteur algérien aurait été plus heureux de voir un auteur algérien effacer leur statut infamant de SNP (sans nom patronymique, roman de Boudjédra), à l’Algérien vivant sur sa terre. Voilà le troisième écrivain algérien qui privilégie l’espace dans lequel il erre pour retrouver son frère cherchant à soulager sa mère qui rêve d’une tombe pour que son fils repose en paix pour l’éternité. Daoud (c’est son droit d’avoir des préférences) mais le lecteur algérien est en droit d’attendre dans une œuvre littéraire son retour sur la scène de l’Histoire. Une façon élégante de rappeler au grand Camus que nous avions un nom avec l’arrivée des armées coloniales. Pour le reste, c’est-à-dire une tombe pour l’éternité, on a tout notre temps comme le dit Med Hondo dans son film sur le Sahara (Polisario), « On a toute la mort pour dormir ».

Faire la critique d’un roman en mettant le doigt sur une faille, souligne seulement la difficulté à s’attaquer à des moments de la littérature (ici « L’étranger » de Camus) Et ce n’est pas en allant chercher de l’aide chez Jacques Derrida que l’on doit s’abstenir de noter la faiblesse de la vision philosophique qui traverse une œuvre littéraire. Toute œuvre a sa cohérence et celle-ci est tributaire de la vision de l’auteur. Evidemment le style de l’auteur, son imaginaire et sa liberté d’expression ne sont pas en cause en dépit de l’irritation qu’ils peuvent susciter. Si l’écrivain a des droits, il prend aussi le risque de recevoir tous les coups au nom d’une autre règle, à savoir qu’une œuvre publiée n’appartient plus tout à fait à son auteur.

Revenons à notre souhait de voir la polémique entre écrivains déboucher sur l’émergence d’une critique littéraire de qualité. Cela implique que l’on fasse l’économie des querelles byzantines et des coups au-dessous de la ceinture. La critique acquiert le statut d’institution quand elle décortique une œuvre avec une langue parfois plus raffinée que celle de l’œuvre critiquée. Je pense notamment au pape de la critique Sainte-Beuve (1806/1869) qui a « vu », quelque trente ans après sa mort, ses articles faire l’objet d’une critique, excusez du peu, de Marcel Proust en personne.

Quelques mots encore sur ces écrivains objet de la « vindicte » de Boudjédra. Ils sont tous publiés en France comme du reste Rachid Boudjedra. Mais Boudjedra semble nous dire qu’il reste droit dans ses bottes et ne fait aucun compromis ni sur l’histoire coloniale de son pays ni sur la Palestine occupée. Le rapport entre les écrivains algériens et le monde de la littéraire en France a toujours été victime des eaux troubles de la politique (contentieux colonial). Il a été aggravé par la prétention que la grande littérature en France ne peut exister que sous la plume d’un petit cercle parisien, excluant les régions de l’hexagone (hermétiques à l’universalisme) et les colonies renvoyées à leur folklore. Voir l’article de Mohammed Dib publié dans El Watan le 30/9/2017.

Si l’on ajoute que le système en France obéit à une religion première, celle de la loi du marché, on a fait le tour des obstacles à franchir. Il faut payer en quelque sorte la « douane » pour avoir le droit d’entrée dans le territoire sacré de la « vraie » littérature.

Ainsi l’écrivain algérien outre les obstacles communs à ses collègues français doit montrer patte blanche s’agissant des sujets délicats ou bien à mille lieues des préoccupations de la grande majorité des lecteurs français. En revanche, deux sujets trouvent preneur aujourd’hui, l’islam et le terrorisme. La France découvre que des populations immigrées jusqu’ici « invisibles » posent « problème », problème découlant de leur ghettoïsation mais aussi à cause des contentieux légués par la colonisation. Alors le « peuple » des médias, des flics, des sociologues et autres travailleurs sociaux se jette sur ces livres pour mieux organiser la riposte (« déradicaliser », disent-ils, affreux néologisme) à la menace terroriste.

Pour terminer, imaginons l’histoire d’un écrivain algérien qui s’exile en attendant des jours meilleurs. « Notre » écrivain a quitté son pays il y a quelque trente ans. A cette époque on affichait l’espoir, que dis-je la certitude que l’Algérie allait devenir un dragon d’Asie comme Singapour. Après une longue absence dans une contrée du bout du monde « notre » exilé revint dans son pays. Il trouva les jardins secrets de la société abandonnés aux herbes folles. Le peuple affublé du mot de « ghachi » est harcelé par la dureté de la vie. Il chercha à comprendre les raisons de ce marasme avec son cortège de difficultés. Il identifia alors une catégorie de gens gonflant la poitrine et respirant les volutes chaotiques de l’air du temps où cohabitent une pratique bigote de la religion et une ‘’modernité’’ de pacotille. Ces gens virevoltaient comme feuilles d’automne et ouvraient la porte à l’hiver frustrant ainsi « el ghachi » de la douceur du printemps. Il constata aussi que le froid de la nuit avait congelé les rêves d’antan des jeunes de son quartier. Ses amis aujourd’hui adultes lui parlèrent d’el hogra, le mot le plus usité de la langue populaire. Les ‘’mahghourines’’ n’ont plus que leurs yeux pour pleurer devant les ruines qui obstruent leur vue. La seule petite ’’vengeance’’ de notre ex-exilé, il la trouva dans le triste tableau de la dite catégorie sociale ruminant les souvenirs de ses glorioles de jadis.

Aujourd’hui retraités, les membres de cette « tribu » se distraient en écoutant les murmures des vagues au bord de mer, et dans la prison de la solitude, ils passent leur temps à regarder l’horizon hors de portée de leur âge avancée. Quant à la jeunesse, elle patiente en pataugeant dans un environnement soumis à la banalité du quotidien. Les plus chanceux se contentent de quelque opportunité pour voler quelque plaisir qui échappe à la vigilance des milices du contrôle social. Dans cette vie banale, le cœur saigne, la tête se vide, et l’amour ne peut naître dans une société où fleurissent des mots castrateurs comme Mamenouâ et haram (interdit, illicite).

Notre écrivain se trouva devant le même dilemme qu’il y a trente ans en se disant, paraphrasant Shakespeare : Exil or not Exil, that is the question.

Ali Akika, cinéaste

Notes

(1) Virginia Woolf a écrit un essai sur l’art du roman.

(2) Voir l’article de Mohamed Dib que Salah Guemriche a publié dans son blog à Médiapart, article qui a été déniché par un amoureux de la littérature et publiait dans El Watan.

Le Matin  – 22 Oct 2017

http://www.lematindz.net/news/25703-sansal-khadra-daoud-loin-de-lart-de-la-tragedie.html

Azeffoun, mère de la Casbah d’Alger, de l’art et du châabi par Nouredine KHELASSI..

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Revisiter Azeffoun, c’est inévitablement dire encore que la cité et l’arrière-pays, produits alchimiques de la montagne et de la mer, sont la mère de la Casbah d’Alger, de l’art et bien entendu du chaabi ! Azeffoun, ah Azeffoun ! C’est d’abord un nom qui chante. Toponyme musical d’une définition de ce que la coquette ville et sa région sont la spécificité historique, la caractéristique géographique et l’originalité culturelle.

Terroir de culture fertile, dont le nom berbère dériverait, dit-on, du phénicien. Du nom uzaff, la colline conique qui descend, en perpendiculaire, du mont Tamgout vers la Méditerranée. Port Gueydon la française et, bien avant, Ruzasus la phénicienne et Rusasu la romaine, est une Kabyle de ville sur un cap surélevée. Un comptoir, une escale et un relais. Le point convergent des quatre vents. Des plages d’or en poudre et de galets polis. Des montagnes giboyeuses et, tels des écrins, cinquante-deux villages qui sont autant de sentinelles encerclés par les forêts de Yakouren et de Mizrana. C’est, après tout, plus de 5 000 ans d’Histoire, comme en témoignent, dans le dur de la roche, les monuments mégalithiques d’Aït Rhouna.Dans cette ville bénie par son saint tutélaire Sidi Ahmed Ouyoussef, entre ciel, terre, mer et montagne, s’entrechoquent les influences humaines. Des empreintes aux accents amazighes, phéniciens, romains, andalous, ottomans et français. Singulier paradoxe, Azeffoun n’est plus aujourd’hui une ville de culture comme elle fut hier un terreau artistique.

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Il est vrai que la cité et ses villages-satellites ont tant donné à la culture algérienne. Singulièrement à la musique. Particulièrement au châabi. Et spécifiquement au théâtre, à la littérature et au cinéma. Sans oublier le martyrologe de la guerre de Libération, avec ses chahid Didouche Mourad et Taleb Abderrahmane, entre autres.Azeffoun, c’est surtout un mariage d’amour fusionnel avec la Casbah d’Alger. Epousailles en justes noces artistiques qui enfanteront le châabi. Musique des tripes, du cœur et du cortex qui est à l’âme d’Alger ce que sont le fado pour Lisbonne et le flamenco pour l’Andalousie. C’est comme si l’ancienne Ruzasus en était le père géniteur et la Casbah la mère porteuse ! La Casbah, mère affectueuse des montagnards d’Azeffoun, notamment les Iflissen et les Ath Djennad, premiers Kabyles à y faire souche. Ah ces pionniers qui taquinaient dans ses dédales et sous ses passages voûtés (sabbats) le quart de ton et y magnifiaient les percussions.

La suite de l’histoire est une fabuleuse lignée d’astres scintillants dans la constellation du châabi et dans d’autres champs de la création. Avec, comme étoile polaire, Hadj Mhamed El Anka, de son vrai nom Aït Ouarab Mohamed Idir, dit Halo, né à Tagarcift, au coeur d’Aghrib. Et, derrière le Cardinal du châabi, il y a d’autres noms que le halo de lumières de l’astre des astres n’a pas éclipsés. Parmi eux, Hadj Mrizek, la voix de miel et d’huile d’olive, qui a chanté «El Qahwa walla tay» pour arbitrer un match épique mais convivial entre le thé et le café. Mrizek, l’Arezki Chaïb de Kanis et de la rue de Thèbes à la Casbah d’Alger, le footeux qui a débuté dans le hawzi ! Sans égaler El Anka, il est quand même, et à son image d’ailleurs, inimitable, incomparable et inégalable. Les deux sont incontestablement inoubliables. Bref, immortels.Il y a aussi le petit El Anka, de son nom artistique propre Boudjemâa El Ankis, Boudjemaa Arezki d’Aït Rhouna, né au châabi sous les fez accueillants d’El Anka et Mrizek qui est lui-même le résultat émulatif du génie ankaoui. Dans le châabi, le nom de Hadj n’est pas seulement une référence religieuse. C’est aussi un titre de noblesse artistique porté par ailleurs, comme une clé de sol, par Omar Mekraza, longtemps chef d’orchestre de Hadj El Anka. Le fils d’Oumadhen se fera un nom, plus modeste certes, mais synonyme de voix grave d’un bluesman et de rigueur métrique d’un maestro. Si le châabi est à Azeffoun ce que le blues ou le jazz sont aux Noirs d’Amérique, la région est aussi une fascinante terre d’inspiration et de création culturelle. Cette mère nourricière a donné au pays quelque chose comme au moins dix fois les doigts d’un Mrizek, dans la musique, la chanson, la littérature, le théâtre, le cinéma et la comédie.Dans le spectre des lumières, il y a également la diva de la chanson kabyle Hnifa d’Ighil Mahni. Et plus brillamment encore la divine Fadila Dziriya, fille de la Casbah d’Alger, mais dont les racines berbères plongent dans l’humus de Ruzasus.

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Dans un tout autre registre, celui des couleurs, des traits et des formes, il y a notamment Mohamed Issiakhem, fils des Aït Djennad du côté d’Aghrib, terre des racines d’El Anka. Génie des peintres algériens, ce créateur volcanique est venu précisément de Taboudoucht. Créateur volcanique, polychrome flamboyant, élève d’Omar Racim, il tissa avec Kateb Yacine une amitié qu’il aurait lui-même vécue comme une peinture de la folie des génies perpétuels.Et avant même que Mohand Saïd Fellag d’Aït Illoul ne promène brillamment le nom d’Azeffoun de planches en planches, d’écrans en écrans et de pages en pages de livres, Mohamed Iguerbouchène, enfant d’Aït Ouchène, permit déjà à la région d’atteindre l’universalité en éparpillant entre Paris, Londres et Hollywood ses notes d’harmonie et en contrepoints. Ce fils d’Aït Ouchène dans la localité d’Aghrib et de Soustara à Alger, qui deviendra plus tard Igor Bouchène de Londres, aura composé cinq cents œuvres. Parmi elles, Rapsodie Kabilia, Rapsodie Arabic et la musique de Pépé Le Moko où Jean Gabin éclaboussa l’écran pour l’éternité cinématographique.

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Dans le panthéon de la création artistique et littéraire, brillent également de mille feux les noms de Rouiched de Kanis, du poète et homme politique Bachir Hadj Ali des Aït Hammad, et du chercheur d’os, l’écrivain et journaliste Tahar Djaout. On n’oubliera pas de sitôt Ahmed Ayad, alias Rouiched, le Charlot algérien. C’est lui, avant tout, qui donna à Fellag le goût sucré-salé de la comédie, la saveur épicée des monologues et la sapidité des mots polis comme les galets des plages du Caroubier, d’Amoutour et du Petit Paradis qui ont la côte sur le littoral d’Azeffoun.Ajoutez encore les noms des cinéastes Mustapha Badie et Mohamed Ifticène, le chanteur Abderrahmane Aziz et les frères humoristes Mohamed et Saïd Hilmi. Et n’oubliez pas dans la foulée le (ré)animateur culturel, l’éclateur des mots, l’exploseur des verbes, le roi du «RacontArt», le tsar du calembour, l’émir de l’homophonie, le roi de l’homographie, le prince de la polysémie, le bachagha de la néosémie, Abderrahmène Lounès. Vous pigerez alors pourquoi Azeffoun est en Méditerranée la mère de l’art et la mer azuréenne du châabi.

https://www.facebook.com/noureddine.khelassi1/posts/1620554604694149

Les guillotinés de la guerre de libération. Allah yerham echouhada

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Dès la « colonisation », les Français ont introduit au Maghreb, en Algérie principalement, leur Justice et leur méthode de châtiment : la Veuve. L’objet est très vite devenu un sujet d’horreur absolue, car si la guillotine a été souvent employée pour châtier des criminels de droit commun, elle l’a également été bien trop souvent pour exécuter des condamnés politiques : certains avaient du sang sur les mains, d’autres non.

Désormais la guillotine d’Algérie, modèle original de Berger 1868, est en exposition dans un musée d’Alger, symbole d’une douloureuse politique colonialiste.

Notez bien la mention « terroristes » désignant le Crime justifiant l’exécution, et parfois même la mention « indigènes » pour désigner les suppliciés…

 

Date

Heure

Lieu

Nom

Crime

Exécution

Condamnation

19 juin 1956

 

Alger

Ahmed Zahane et Adbelkader Ferradj

Première exécution des « terroristes » du FLN

 

 

03 juillet 1956

 

Oran

Laïb ben Mohammed

Terroriste. Attentat à la grenade devant un cinéma : 4 morts, 20 blessés.

 

 

07 août 1956

 

Constantine

Mahmed Belkhaïria

Terroriste. Déserteur, lança des grenades dans des établissements publics : une femme tuée, 13 blessés.

 

 

09 août 1956

 

Alger

Mohamed Tifrouine

Terroriste. Tua le gendarme Roch d’un coup de douk-douk dans la tête et vola son arme.

 

 

04 décembre 1956

 

Oran

Abdelkader Boumelik

Terroriste. Assassinat et tentatives d’assassinat.

 

 

13 décembre 1956

 

Constantine

Abdelhamid Nacerdine

Terroriste. Assassinat et tentative d’assassinat.

 

 

29 décembre 1956

 

Oran

Kaddour ben Rabah

Criminel de droit commun

 

 

02 janvier 1957

 

Constantine

Mohammed Saadia et Badbir Hadjadj

Terroristes.

 

 

24 janvier 1957

 

Constantine

Rabah Bouchaïba

Terroriste

 

 

02 février 1957

 

Constantine

Hamid Benmaliamed, Mérabet Mohamed, Laoubi Saïd, Zenfaya Hamouda

Terroristes.

 

 

07 février 1957

 

Oran

Ykhlef Benchetouf, Benttayed Mohamed, Gaoual Benhammar, Boucherika Ahmed et Kebdani Miloud

Terroristes

 

 

11 février 1957

 

Alger

Mohammed Ouennoui, Mohammed Lakhnèche et Fernard Iveton

Terroristes

 

 

13 février 1957

 

Constantine

Zaïdi Amor, Arif Fehrat, Layachi Mohamed et Boumlika Allous

 

 

 

14 février 1957

 

Oran

Ahmed Ammou

 

 

 

19 février 1957

 

Alger

Mohammed Mazica

 

 

 

21 février 1957

 

Constantine

Salah Boulkéroua et Mestak Mohammed

 

   

02 mars 1957

 

Constantine

Mared Belkacem et Choufi Mohamed

 

   

18 mars 1957

 

Constantine

Abdel Madjib, Djelbar Septi, Brahamia Rabah

 

   

19 mars 1957

 

Oran

Mohammed Resioni

 

   

08 avril 1957

 

Alger

Rabouche Saïd, Ames Manseri et Louni Areski

 

   

10 avril 1957

 

Oran

Harmou Mokhtar, Senouci Abdelkader et Zerouk Ghaouti

 

   

11 avril 1957

 

Constantine

Beddiar Fehrat

 

   

23 mai 1957

 

Alger

Boutrik Miloud et Azzouz Saïd

 

   

25 mai 1957

 

Oran

Mohamed Benbakhti

 

   

20 juin 1957

 

Alger

Saïd Touati, Bellanimi Mohand, Lakhal Boualem, Hamida Radi

Les poseurs de bombes du stade

   

22 juin 1957

 

Alger

Ferradj Makhlouf, Hahad Abderrazak ben Mohamed, Gacem Mohamed Seghir et Labdi Jafar ben Abdelkrim

Makhlouf, frère d’Abdelkader Makhlouf, exécuté le 19 juin 1956.

   

25 juin 1957

 

Oran

Saada Bendahmane et Kamel ben Aïssa

 

 

 

26 juin 1957

 

Constantine

Yousfi Abdemadjad

 

 

 

02 juillet 1957

 

Oran

Youssi Mohamed et Zenasni Ahmed

Terroristes

 

 

03 juillet 1957

 

Constantine

Fizi Mohamed Lakdar, Fizi Salah ben Amar, Fizi Mohammed ben Ali et Benchika Mostefa

Membres du FLN, massacrèrent trois enfants pieds-noirs le 03 mai 1956.

   

25 juillet 1957

 

Alger

Badèche ben Hamdi, Labdi Ali et Hasni Boualem

Badèche est accusé d’avoir, le 28 décembre 1956, tue le maire de Boufarik, Amedée Froger. Défendu par Me Gisèle Halimi.

11 avril 1957

 

27 juillet 1957

 

Oran

Yklef Belaïd et Hassan ben Ahmed

Terroristes

 

 

10 août 1957

 

Alger

Sidi Iklef et Laab Zayeb

Zayeb assassina un inspecteur

 

 

14 août 1957

 

Constantine

Deux indigènes

 

   

09 octobre 1957

 

Alger

3 membres du FLN

 

   

10 octobre 1957

 

Alger

3 membres du FLN

 

   

12 octobre 1957

 

Constantine

3 membres du FLN

 

   

12 novembre 1957

 

Alger

3 indigènes

 

 

 

13 novembre 1957

 

Alger

2 indigènes

 

 

 

14 novembre 1957

 

Constantine

Un indigène

 

 

 

07 décembre 1957

 

Constantine

Quatre indigènes

 

   

17 février 1958

 

Alger

Trois membres du FLN

 

   

18 février 1958

 

Alger

Trois membres du FLN

 

   

22 février 1958

 

Constantine

Azzi Areski, Gueroui Brahim, Bellout Brahim, Lachouri Rachid

 

Le troisième condamné se débattit tant qu’il tomba dans la corbeille, sur les corps des deux guillotinés précédents.

 

1958

 

Alger

Ferrhat Amar

 

   

24 avril 1958

 

Alger

Abderrhammane Taleb, Gharbi Saïd et Saad ben Belgacem

Taleb était le chimiste, qui fabriquait les bombes. Gharbi tua un gendarme et un jeune pied-noir, Belgacem tua le lieutenant Geoffroy et sa femme.

   

29 avril 1958

 

Constantine

Khaldi Brahim, Abaci Ahmed et Harrouche Saïd

 

   

30 avril 1958

 

Constantine

Hammadou Hocine, Bouchelaghem Mohamed et Bourras Tayeb

 

   

25 août 1958

 

Alger

Aoussi ben Mohamed et Aoussi Mohammed ben Bachir

Frères.

Derniere exécution de « terroristes » du FLN. L’adjoint et fils de l’exécuteur, Mr Fernand Meyssonnier, actionnera exceptionnellement le couperet.

07 septembre 1957

02 septembre 1958

 

Constantine

Hameur-Laïm Mohammed

Crime de droit commun

 

 

21 mai 1959

 

Oran

Bouzid Kaddour

Viol et meurtre

 

15 novembre 1958

12 août 1959

 

Oran

Ouïs Mostifa ould Habib

Viols et meurtres

Dernière utilisation de la guillotine en Algérie.

23 janvier 1959, 24 janvier 1959

 

 

 

 

 

 

 

Mai 1954 – Juin 1956 : 2 exécutions de « terroristes ».
Juin 1956 – Août 1958 : 141 « terroristes ».
Au total, entre novembre 1954 et janvier 1961, 222 Algériens furent exécutés en France et en Algérie. Après 1959, les condamnés à mort seront passés par les armes.

 

Extrait de ; Hier L’Algerie  on 27 décembre 2012

 

http://www.hierlalgerie.com/index.php/la-presse/articles/232-les-guillotines-de-l-afrique-du-nord-de-1843-a-1959

 

Les vaillantes tribus Hadjoutes qui avaient combattu aux cotés de l’Emir étaient menées par un poète, Boutheldja…

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Il n’existe malheureusement pas de statistiques précises sur le nombre des populations Hadjoutes, mais nous estimons, à partir de certaines données contenues dans le rapport du duc de Rovigo, «vingt-trois tribus Hadjoutes et douze mille cavaliers» … Dix huit mille cavaliers selon d’autres sources, à un total de plus de quarante mille habitants pour l’ensemble de ces tribus et douars.

A la bataille de Staouéli, les 4 et 5 juillet 1830 (Sidi-Ferruch), contre la pénétration des armées françaises et avant la proclamation de Abdelkader comme Emir, les contingents fournis par les tribus Hadjoutes (douze mille cavaliers Hadjoutes) ont combattu vaillamment parmi les cinquante mille hommes engagés dans la bataille.

Le général Changarnier qui a eu à combattre les armées Hadjoutes, écrit à leur sujet (Mémoires), après les avoir qualifiés d’«habitants rebelles au joug de l’étranger», de « patriotes énergiques» ,«les Hadjoutes avaient pu mettre en campagne et entretenir, pendant plusieurs années, de mille à mille huit cents cavaliers très courageux, qui avaient accompli des choses dont les cavaliers les plus célèbres de l’Europe se seraient honorés… »

De même, le duc d’Orléans n’eut pas manqué de rendre hommage au patriotisme de ces partisans : « … Ces hardis partisans faisaient plus de mal aux Français que tout le reste des forces ennemies, de même que les Cosaques, dans les guerres de l’empire, contribuèrent plus que toutes les troupes régulières à détruire l’Armée française … Les Hadjoutes empêchaient l’armée de dormir en la tenant sur un qui-vive perpétuel …

Cependant la mort d’un simple cavalier Hadjoute, Boutheldja le poète, tué dans un de ces engagements, fut une perte sensible pour la cause arabe… Au milieu du mouvement de résurrection de ce peuple, qui renaissait du sang de ses braves enfants, Boutheldja fut le plus inspiré parce qu’il était le plus convaincu de tous les poètes. Ses chants lyriques, d’une douleur touchante et d’un farouche patriotisme, étaient devenus populaires parmi la jeunesse arabe. Le poète préféra rester en volontaire, au premier rang des Hadjoutes, et, simple soldat, comme Koerner, il mourut comme lui de la main d’un Français, en combattant pour une patrie que tous deux avaient rêvée grande, et qu’ils ne connurent que malheureuse. »

Depuis Zyriab le maitre de la musique andalouse jusqu’au Chaâbi…

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Zyriab, musicien de génie, s’exila de Baghdad vers Cordoue en Andalousie au IXème siècle. Il introduit le Zadjal qui donna ensuite naissance au Flamenco. Il composa 24 Noubate (singulier Nouba) correspondant à chaque heure du jour et de la nuit. Il en subsiste seulement 11 Noubate relativement intactes. La Nouba comprend sept mouvements, la Touchia, l’Istikhbar, le Msadar, le Btayhi, le Dardj, l’Insiraf et l’Enkhlass, l’allegro. Chaque Nouba est exécuté sur un mode chromatique, un Teb3 (pluriel Tbou3). Les plus connus sont les tbou3 : Dhil, Mjenba, Raml Maya, Raml, Ghrib, Zidane, Rasd, Mazmoum, Sika (très proche du flamenco), Rasd Eddil, Arak, Hsine, Maya, Djarka, Moual.

Le Chaâbi, qui puise ses racines dans la musique andalouse, mais aussi dans le patrimoine Amazigh (à l’instar du Maitre Hadj El Anka, nombreux des maitres, enfants de la Casbah, sont originaires de Kabylie, de la région d’Azzefoun plus particulièrement. Mais la Casbah d’Alger n’était aussi que le creuset où s’est formé le génie algérien venant aussi bien d’Azzefoun que de Mostaghanem, Bejaïa, Blida, Cherchell et Médéa. Cela a donné ce patrimoine, le Chaâbi, typiquement algérien et qui incarne notre personnalité dans ce qu’elle a de fort, d’émouvant, de vulnérable. Le Chaâbi a surtout adopté les Tbou3 andalous de Zyriab Ghrib, Djarka, Zidane, Raml Maya, Sika, Mezmoum et Sihli. Ce dernier Teb3, le Sihli, est typiquement algérien, il emprunte au Sika ses couleurs et sa gaité et surajoute des touches de notre patrimoine Amazigh, nos traits, amour, pudeur, courage, fierté, douleur refoulée et espoir. Boudjemaa El Ankis, Mohamed El Badji, El Baz, ainsi que Amimeur affectionnaient beaucoup ce Teb3, ainsi que le Sika 

Nous avons ici la chance, dans cette vidéo, où Rachid Chafaa nous fait découvrir ces Tbou3 utilisés dans le Chaâbi.

Ceci est une modeste contribution pour éclairer nos amis qui aiment le Chaâbi et voudraient mieux le connaitre. J’invite au partage et à l’enrichissement par tous ceux qui sont plus connaisseurs que moi.

Avec mes amitiés

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Quand on fait dire à Voltaire ce qu’il n’a jamais dit… Arrêtez avec le « je me battrai pour vous » de Voltaire !

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Pour justifier leur soutien aux criminels intégristes beaucoup d’intellectuels bien-pensants de l’héxagone se reféraient à Voltaire et anonnaient à qui mieux mieux : « Le ne suis pas d’accord avec vous mais je donnerai ma vie pour que vous vous exprimiez » Quelle mystification !

Deux fois en quelques heures ! D’abord, un éditeur qui invoque son esprit « voltairien » pour justifier la publication d’un livre d’Eric Zemmour. Ensuite, un faux Carl Lang (ex-Front national) qui flatte Pierre Haski sur Twitter pour obtenir la publication d’une tribune sur Rue89 : « On vous dit voltairien », sous-entendu « vous connaissez comme moi la fameuse phrase ».

 Mais Voltaire n’a jamais écrit « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » ! Il ne l’a même jamais dit. A l’origine de cette formule, une Britannique, Evelyn Beatrice Hall qui, dans un ouvrage consacré à Voltaire en 1906, lui attribue le célèbre « I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it ».

Dans un documentaire de la TSR retraçant l’histoire de cette phrase, Charles Wirz, le conservateur du musée Voltaire de Genève, confirme que le philosophe n’a jamais rien dit de tel et présente même l’aveu d’Evelyn Beatrice Hall : « Je ne suis pas d’accord avec vous […] est ma propre expression et n’aurait pas dû être mise entre guillemets. »

Dans son « The Friends of Voltaire », Evelyne Beatrice Hall a tenté ainsi de résumer la pensée de Voltaire, notamment au moment de sa prise de position dans l’affaire Helvétius, l’un des philosophes qui contribua à L’Encyclopédie.

Son livre, « De l’Esprit », irrite profondément Voltaire – il qualifie le texte de « fatras d’Helvétius » dans une lettre à de Brosses du 23 septembre 1758, citée par Gerhardt Stenger mais lui apporte son soutien face aux attaques virulentes dont il est victime après la parution de son ouvrage.

Dans ce contexte, la phrase prêtée à Voltaire ne paraît pas dépasser sa pensée. Pourtant, plusieurs amoureux de l’écrivain s’émeuvent de l’utilisation qui en est faite. On les comprend.

Nietzsche « Au soleil » avec Jennifer

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » est devenu l’un des poncifs les plus irritants des dernières années. Peut-être autant que le « ce qui ne tue pas rend plus fort » de Nietzsche, nouvel hymne de Jenifer « ce qui ne me tue pas me rend forte » dans une chanson sur les bienfaits du soleil.
Plus injuste encore, il est devenu l’arme de défense de tous ceux qui se croient censurés par les-médias-dominants-la-pensée-unique-le-politiquement-correct.

Dans les années 2000, Thierry Ardisson l’a largement popularisé dans son émission « Tout le monde en parle » en le citant à tout bout de champ pour justifier la présence du moindre invité un peu controversé. Se proclamer voltairien est ainsi devenu synonyme de partisan de la liberté d’expression totale. On retrouve donc pêle-mêle Eric Zemmour, Robert Ménard, Dieudonné, etc.

« Ce n’est pas du tout lui cette phrase »

Voltaire, défenseur de la liberté d’expression illimitée ? Une supercherie, nous répond la Société Voltaire : « Ce n’est pas du tout lui cette phrase. Prenons le credo chrétien qu’il a toujours combattu. Ou les Jésuites. Il ne les aurait jamais défendus. »
Plus fort, le cas Fréron. Ce journaliste parisien, responsable du journal L’Année littéraire, détesté de Voltaire, a eu droit à une pièce « Le Café ou l’Ecossaise » rédigée contre lui mais n’a jamais eu le moindre signe de soutien à chaque fois que son périodique a été censuré par… Lamoignon de Malesherbes, un ami de Voltaire.

 

Par Zineb Dryef | Rue89 | 14/04/2011

http://www.rue89.com/hoax/2011/04/14/arretez-avec-le-je-me-battrai-pour-vous-de-voltaire-199690

HOMMAGE / TAHAR DJAOUT : « La famille qui avance et la famille qui recule » par Lazhari Labter

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Dans l’appartement sombre et mal éclairé à la lumière électrique qui sert de siège à l’hebdomadaire Ruptures, situé au 6, rue du 19-Mai, à deux pas de la faculté centrale d’Alger et à quelques centaines de mètres du lieu où la déclaration des soixante-dix journalistes avait été adoptée, il y a près de cinq ans, derrière son bureau, concentré sur le moindre mot, Tahar Djaout, écrivain connu et directeur de la rédaction,relit pour la dernière fois sa chronique où, avec une pointe d’ironie, il dit à propos du dialogue que le pouvoir s’apprête à mener avec les partis de l’opposition :

 « C’est à n’y rien comprendre. Alors que le président du HCE s’est adressé il y a peu à la nation dans une intervention censée, entre autres, faire le point sur le dialogue avec les partis et les associations, voici qu’une prolongation inattendue s’engage. Y a-t-il donc eu un match nul durant le temps réglementaire imparti au dialogue ? Sans nul doute. Et comment pouvait-il en être autrement lorsqu’on continue à croire que des projets de société séparés par dix siècles de distance peuvent coexister,lorsqu’on continue à prendre au sérieux un responsable de parti qui clame quel’Algérie n’a besoin d’aucune loi étant donné que le Coran les contient toutes ?

 Vu la situation de crise profonde que vit l’Algérie et qui brouille toute perspective d’avenir, le salut ne résiderait-il pas plutôt dans un choix résolu, quitte à faire des mécontents, le choix qui arrachera l’Algérie aux serres des ténèbres pour la propulser vers le jour ?Ce choix tarde à se préciser, à tel point que nous commençons à nous demander avec angoisse si c’est vraiment vers la lumière du jour que ceux qui ont en charge la destinée du pays veulent nous mener.

 L’originalité de la seconde mi-temps de ce dialogue politique est qu’il réunira les formations groupées en “familles” d’idées. Et là on retombe à pieds joints dans la grande problématique de l’Algérie car, si on évacue quelques points de détail, il n’y a en fait que deux familles : la famille qui avance et la famille qui recule. Parmi les cinq formations politiques reçues par le HCE, on dénombre : deux partis intégristes, deux partis qui soutiennent l’intégrisme et un seul parti qui œuvre pour une Algérie républicaine et moderne.

 Quelle loi appliquer dans ce cas : celle d u nombre ou celle de la qualité ? Quel parti écouter : celui qui plaide pour une société démocratique, épanouie et moderne ou les quatre qui veulent ramener l’Algérie à une ère pire que celle où elle se débat aujourd’hui ?Espérons que le pouvoir, qui a admis en janvier 1992 que la loi du nombre n’est pas toujours omnipotente, tende la bonne oreille et fasse le bon choix.Ou alors, le pouvoir, qui, depuis 1962, se succède à lui-même, n’aurait-il interrompu l’absurde processus électoral d’il y a un an et demi que pour préserver cette continuité dans la succession et non, comme beaucoup le croient, pour sauver l’Algérie.

 La démarche adoptée et les choix arrêtés prochainement permettront de répondre à cette question. Car le pays est à l’heure des choix décisifs, étant donné qu’en trente ans il n’a pas réellement tranché.

 Continuera-t-il à naviguer à vue vers un horizon où s’accumulent les mirages, ou se décidera-t-il à prendre le gouvernail, en le brusquant quelque peu, afin de lui imprimer la rotation nécessaire ?

 Car on commence à perdre pied et à avoir un début de vertige avec la valse-hésitation et le jeu de balançoire dans lesquels on nous entraîne. Un exemple : d’un côté on introduit l’adhan à la télé (ce dont on s’est passé pendant trente ans sans que notre islamité en soit diminuée) et d’un autre on exige que les hauts fonctionnaires viennent travailler avec une tenue neutre où l’étalage de leur dévotion ne serait pas imposé aux citoyens. Ne nous attardons pas sur le premier point, mais disons que le second point est tout à l’honneur du gouvernement. Il dénote quel’Exécutif est préoccupé de remettre de l’ordre et de redonner un peu d’autorité à un Etat longtemps piétiné. Il nous est donc agréable de penser qu’à l’avenir nous ne serons plus accueillis par des préposés en djelbab,en claquettes, en gandoura, ou dont les joues n’ont pas éprouvé le rasoir durant vingt jours.

 Mais, attendez, pour une fois que le gouvernement prend une très bonne initiative, la réaction viendra très probablement de ceux qu’on ne devrait pas attendre, mais qu’on attend en fait,parce qu’ils nous ont maintenant habitués : gageons que ces affamés des droits de l’homme qui cherchent la moindre cause à se mettre sous la dent ne tarderont pas à crier à la violation de je-ne-sais-quoi. La culture populiste n’appartient, hélas ! pas à un seul camp, et des hommes, dont l’apparence ne les y prédispose aucunement, ont souvent apporté de l’eau à un moulin dont la farine est empoisonnée.

 Quitte, après cela, à se transformer en pleureuses devant ceux qui se contorsionnent sous les affres d’une mortelle intoxication. »

 Satisfait, il réfléchit quelques instants,écrit sur le haut de la première feuille “La famille qui avance et la famille qui recule” et remet son “papier” à la composition. Il ne pouvait pas se douter que c’était le dernier.

 Le 25 mai, comme tous les mardis,l’hebdomadaire Ruptures est dans les kiosques. Dans ce numéro 20 et avant dernier, la chronique de Tahar Djaout, dans la rubrique « Relais »en page 15, est bien présentée. En page 5, sous le titre « Solidarité avec Omar Belhouchet », le collectif écrit : « C’est avec une profonde stupeur que la rédaction de Ruptures a pris connaissance du lâche attentat auquel a miraculeusement échappé notre confrère Omar Belhouchet,directeur du quotidien El Watan. Si cet acte de violence mérite d’être radicalement condamné, il ne peut que nous rappeler qu’en ces douloureuses épreuves que traverse l’Algérie, l’ensemble du corps journalistique, épris de démocratie, de justice et de progrès, est ici interpellé dans le sens d’une plus grande solidarité et lucidité face aux véritables ennemis de notre pays. »

 En effet, huit jours avant la parution du journal, le lundi 17 mai, le directeur d’El Watan avait miraculeusement échappé à un attentat, condamné avec vigueur en Algérie et à l’étranger.

 Dans la cité populaire de Baïnem où habite Tahar Djaout, une cité adossée à la forêt des hauteurs de Bouzaréah et qui fait face à la mer, distante de quelques centaines de mètres, dans une voiture arrêtée au parking, trois jeunes, sur le qui-vive, l’œil bien ouvert, aux aguets, attendent depuis une heure ou deux. Bien que nerveux, ils sont sûrs de leur coup. Ils sont bien renseignés sur les habitudes du journaliste pour l’avoir surveillé pendant des jours. Ils connaissent sa voiture, son nom, ses horaires à la minute près.

 Son petit-déjeuner pris, comme à l’accoutumée,Tahar Djaout embrasse ses trois filles, dit au revoir à sa femme et sort de chez lui. Il n’y a que quelques minutes de la maison, située au quatrième étage, à la voiture dans le parking. Alors que sa femme l’observe par la fenêtre, il s’installe sur le siège et baisse les vitres pour chasser l’air confiné dans l’habitacle et laisser rentrer un peu de fraîcheur.

 L’un des trois occupants de la voiture en stationnement descend et se dirige lentement vers lui.

 Absorbé par ses pensées, le journaliste ne prête guère attention à ce jeune, comme il y en a partout, qui se dirige vers lui. Il devait penser certainement au prochain numéro du journal qu’il faut préparer.

Lorsque,face à l’arme pointée sur lui, il comprend de quoi il s’agit, il est déjà trop tard.

 Couvertes par le cri horrifié de sa femme qui observe la scène du balcon, trois détonations éclatent dans le matin de cette journée du mercredi 26 mai 1993. Atteint de trois balles, dont une dans la tête, tirées à bout portant, Tahar Djaout s’effondre et entre dans un coma profond.

 Comme une traînée de poudre, la nouvelle se répand très vite dans les salles de rédaction, les sièges des partis politique set des associations, dans les administrations. C’est le choc. L’attentat suscite de nombreuses réactions d’indignation et de réprobation dans tout le pays et à l’étranger où il est connu comme écrivain.

 Le lendemain de l’attentat, deux de ses assassins sont abattus du côté de Notre-Dame d’Afrique, sur les hauteurs d’Alger. Le troisième sera arrêté le surlendemain.

 Plongé dans un coma profond, Tahar Djaout restera suspendu entre la vie et la mort pendant huit jours. Il décédera le mercredi 2 juin. La famille de la presse est en deuil.

 Tous les journaux annoncent le lendemain sa mort avec des titres en réserve sur fond noir.

 Sous le titre « Djaout est mort »,le quotidien Le Matin écrit : « (…) On s’y attendait, mais en chacun de nous il y avait quelque part un espoir. (…) Pour nous, qui sommes encore vivants et qui avons choisi de rester dans ce pays en dépit de tout, nous continuerons la lutte (…). »

 Quelques jours plus tard, dans Rupturesn° 21 du mardi 8 juin, le directeur du journal note dans son éditorial : « (…) Avec la mort de Tahar, l’intolérable et l’insoutenable sont atteints. Ils n’ont pas tué seulement l’ami tendre mais aussi un intellectuel brillant, un journaliste talentueux et un écrivain de renommée mondiale (…). Mais pour notre part, journalistes de Ruptures, nous continuerons le combat que nous avons engagé avec notre ami Tahar (…). »

 De son côté, l’assistant de Tahar Djaout à la direction de la rédaction, sous le titre « Frère lumineux », s’insurge :« (…) Non ! Il ne faut pas que Tahar parte comme ça, il ne faut pas qu’il se dissipe dans la banalisation d’un chaos où les plus démunis,les plus humbles et ceux qui incarnent le courage et l’intelligence d’un pays balafré soient enfermés, impuissants, sacrifiés dans les statistiques de la haine, les statistiques de la barbarie. Non ! il ne faut pas que Tahar parte comme ça… »

 L’Association des journalistes algériens, dans une déclaration datée du 27 mai 1993 note : « Les journalistes et la liberté d’expression viennent, une nouvelle fois, d’être lâchement agressés dans notre pays à travers l’odieux attentat dont a été victime mercredi matin Tahar Djaout, journaliste et écrivain, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Ruptures, quelques jours après la tentative d’assassinat de Omar Belhouchet, journaliste et directeur d‘El Watan. Les journalistes algériens, profondément meurtris par la barbarie de ces actes visant à faire taire toute opinion divergente par les armes, appellent les opinions publiques nationale et internationale à condamner sans rémission les commanditaires et les exécutants de ces actes. L’AJA réaffirme solennellement,en ces douloureuses circonstances, que quel que soit le prix à payer, les journalistes algériens – victimes de longue date de persécutions et de l’arbitraire – sont déterminés à poursuivre leur combat pour une presse libreau service de la démocratie. »

 Le vendredi 4 juin à 13 heures à Oulkhou, village natal du poète, dans ces montagnes aux « chemins qui montent » si bien décrites par Mouloud Feraoun, Tahar Djaout, accompagné par des dizaines de milliers de citoyens de tous les coins du pays, est mis enterre.

 Comme des dizaines d’autres collègues,confrères et amis de Djaout, je m’étais rendu à l’hôpital de Baïnem où il avait été transféré après l’attentat pour m’enquérir de l’évolution de son état. « Stationnaire »,m’avait répondu ses collègues, effondrés. Malgré la gravité de ses blessures,personne n’osait croire que la mort pouvait l’emporter et chacun s’accrochait àl’espoir, ténu mais fou, de le voir revenir à la vie.

 Je me trouvais à quatre cents kilomètres d’Alger, dans le sud du pays, quand la nouvelle de sa mort tomba, tranchante,brutale, comme un couperet : « Tahar Djaout est mort ! »

 Le vendredi, au moment même de l’enterrement,je trouvais un numéro de la revue littéraire Promesses, disparue depuis longtemps, datée de juin 1973. En page 83, un poème de jeunesse de Djaout intitulé Guerre où l’on sent, mêlées, les influences des parnassiens, de Baudelaire et de Rimbaud. Sur la couverture, le prénom de Djaout, mal orthographié, au lieu de Tahar est devenu Zahar, ce qui, en arabe,veut dire chance.

Traversant tout un Léthé

De souffrances et d’horreurs

J’ai vu de sombres étés

Nous refuser leur chaleur

 

J’ai vu de funestes obus

Mutiler des chairs humaines

J’ai vu toute une tribu

Traîner ses lourdes chaînes

J’ai vécu dans un enfer

De douleurs et de peines

Où seul triomphe le fer

Et mugissent les sirènes

 

J’ai contemplé des hommes

Les membres amputés

Dans une lugubre Sodome

Aux murs ensanglantés

 

Mes yeux se sont posés

Sur des femmes des grisons

Qui mangent un noir quignon

Par leurs larmes arrosé

 

Des mares de sang noirâtre

Embourbaient nos chemins

Une atmosphère grisâtre

Voilait tous nos matins

 

Nos nuits sont éclairées

Par des astres moribonds

Et nos rêves s’engouffraient

Dans un bourbier sans fond

 «Des mares de sang noirâtre/embourbaient nos chemins/et nos rêves s’engouffraient/dans un bourbier sans fond. »

Qu a dit que les poètes ne sont pas des visionnaires ?

 Zahar ? Et qu’ils ont de la chance ?

 Dimanche 30 mai 1993. Au journal télévisé de 20 heures : « Tahar Djaout a été ciblé parce qu’il était communiste et avait une plume redoutable qui influe sur les milieux islamistes », déclarera l’un des assassins arrêté le surlendemain de l’attentat. Il ajoutera qu’ils avaient agi sur instruction de Abdelhak Layada surnommé « le tôlier de Baraki », l’un des chefs terroristes des dangereux Groupes islamiques armés (GIA), se considérant comme un des « fléaux de Dieu » dont la mission est de « purifier » l’Algérie.

 Tahar Djaout n’a jamais appartenu à un parti politique. Excepté celui de l’humanisme.

Lazhari Labter

 

Extrait de JOURNALISTES ALGÉRIENS 1988-1998 - Chronique des années d’espoir et de terreur

Chihab édition, Alger, 2005

HOMMAGE / TAHAR DJAOUT : « La famille qui avance et la famille qui recule » par Lazhari Labter dans ALGERIE HISTOIRE SOCIETE 10365926_10203021949763862_689699757629382246_a

LA HAINE DEVANT SOI

Par Tahar Djaout

 Du dur métier d’être Algérien. Cela pourrait être un constat, une épitaphe ou le refrain d’une litanie. Sous le ciel (climatiquement) clément de l’Algérie, il ne fait plus bon vivre. À la bourse des valeurs et de l’orgueil nationaux, l’algérianité est déclassée ; sa cote, d’abord en chute libre, s’est immobilisée à un indice qui indique, à peu de chose près, la nullité.

 Finie la période à la fois bénie et illusoire où l’on pensait que la nationalité algérienne n’était pas un simple fait juridique, mais une valeur et un privilège qui n’étaient pas à la portée du premier venu ! Que n’a-t-on pas glosé sur les vertus des « vrais Algériens » ! Révolu le temps du nombrilisme et des mirages où, le pétrole montant à la tête, le « million et demi de martyrs » venant à la rescousse, on affichait des allures de surhommes, affirmant qu’il n’est pas donné à n’importe qui d’être Algérien.

 Aujourd’hui, une jeunesse désabusée qui crie sa désaffection ne rêve que de larguer les voiles vers des cieux où sa vigueur et ses désirs peuvent acquérir un sens. Elle déploie des trésors d’ingéniosité pour brader tout ce qui peut trouver acheteur hors de nos frontières : ona vendu les médicaments subventionnés par l’État, on a écoulé le lait en poudre, on a vendu les moutons et même les peaux des moutons consommés intra-muros pour que des sacs, des portefeuilles et des chaussures sortent des fabriques des pays heureux ; ceux qui ont vendu les matières premières réintroduiront ensuite chez eux, par le biais de la contrebande, les produits manufacturés. El bi’oua chra. Vendeurs-acheteurs à grande échelle,vendeurs-acheteurs dont la vision et la soif ne connaissent pas les frontières.Tidjara halal, le commerce est licite : voilà une bonne couverture morale pour les chercheurs de prétextes, pour ceux qui veulent amasser des millions et garder la conscience tranquille. À économie de bazar, moralité de bazar !

 Où sont donc passés les rêves de générosité, de modernité et de progrès des années 1960 ? Comment une jeunesse qui avait pour emblèmes Che Guevara, Angéla Davis, Kateb Yacine, Frantz Fanon, les peuples luttant pour leur liberté et pour un surcroît de beauté et de lumière, a-t-elle pu avoir pour héritière une jeunesse prenant pour idoles des prêcheurs illuminés éructant la vindicte et la haine, des idéologues de l’exclusion et de la mort ?

 Naufrage d’une société où la raison et l’intelligence ont abdiqué. Naufrage d’une société à laquelle on a inculqué la négation d’elle-même et la négation du monde, à laquelle on a confectionné une identité en forme de mirage et un idéal qui prend l’histoire à reculons.

 Durant deux décennies, des institutions comme le système éducatif et la télévision ont travaillé de façon méthodique à la transition de la société algérienne vers une société intégriste. Et, un jour,le processus arrivant à terme, une part insoupçonnée de la société appelle de tous ses vœux et de toute sa violence l’avènement d’un fascisme théocratique.La passivité des uns, l’expectative des autres ont fait le lit des adeptes de l’extrémisme le plus déterminé. Comme le rappelait dernièrement le président de l’Allemagne réunifiée à propos des néonazis, si le fascisme avait triomphé en Allemagne à la fin des années trente, ce n’était pas parce qu’il y avait beaucoup de fascistes, c’était parce qu’il n’y avait pas assez de démocrates.

 Au lendemain de l’indépendance, décrétant les oulémas seuls légataires d’une révolution à laquelle ils n’ont jamais pris part, le pouvoir en place (qui a fait, quoi qu’on en dise, preuve d’une continuité exemplaire de Ben Bella à Boumediene et de celui-ci à Chadli) a circonscrit les horizons de l’Algérie à l’intérieur d’une équation linguistique et religieuse édictée par ces oulémas.Tandis qu’une tendance ânonnait timidement les valeurs républicaines, une autre tendance, plus entreprenante et plus efficace parce que relayée par l’école et par certains médias, glorifiait une identité mythique, dénigrait l’humanisme et les valeurs universelles, ridiculisait l’intelligence, plaidait pour un projet théocratique.

 Cette tendance, qui a fini par prendre de l’ampleur, s’est attaquée, le moment venu, aux fondements de l’État algérien.L’un des leitmotivs de son discours est en effet : « Non à l’Algérie algérienne ». Cette formule niant l’Algérie est aujourd’hui encore la devise de tout un courant idéologique et de la presse qui le soutient(notamment Es-Salem que finance l’État algérien).

 L’Algérien, qui a vécu une très courte lune de miel avec lui-même, arrivera-t-il un jour à vaincre ce rejet, voire cette haine de soi qui l’habite ? Il faudra sans doute pour cela qu’il assume certaines évidences : que son devenir est en Méditerranée et non dans une contrée utopique, que son horizon immédiat est au vingt-et-unième siècle et non au Moyen âge. Il faudra aussi que ceux qui le gouvernent cessent de penser que deux projets de société antinomiques peuvent se marier harmonieusement, quel’archaïsme et l’anachronisme doivent être les indispensables ingrédients de chaque regard sur le futur.

 

T.D.

 

Ruptures n° 1, du 13 au 19 janvier 1993

 

 

27 mai 2014, 12:40

 

Une grande détresse, les harragas…

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J’ai le coeur brisé par tous ces jeunes Harragas qui partent, fuyant le désespoir, qui n’arriveront jamais à destination, qui sont claustraphobes dans un pays faisant quatre fois la France… qui choisissent le risque très fort de mourir en mer plutôt que continuer à vivre dans leur pays…
Ces jeunes nous interpellent, interpellent notre conscience, interpellent ce qui a été le combat de toute une vie pour moi, pour nous…L’image contient peut-être : 8 personnes, personnes souriantes, personnes assises, océan, eau et plein air
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Cet éditorial du Quotidien d’Oran est d’une grande vérité

Une grande détresse, les harragas... dans ALGERIE HISTOIRE SOCIETE spacerRésultat de recherche d'images pour "Harragas"

L’Algérie souffrirait d’un grand déficit patriotique. Les Algériens, peuple et nation, sont en train de basculer vers un dangereux extrémisme social, névrotique et désespéré s’il en est, avec ces dizaines de vagues de migration clandestine enregistrées durant les tout derniers jours.

Sans emploi, sans avenir, sans perspectives, des «BAC+4 » n’hésitent plus à braver les dangers de la mer pour tenter de vivre ailleurs, où ils pensent avoir plus de chances de vivre leur vie. Les interceptions de harraga de ces derniers jours, les morts en mer annoncées également de jeunes «desperados» interpellent avec insistance les autorités publiques, le gouvernement, comme elles rappellent à ce même gouvernement ses responsabilités historiques face à ce phénomène planétaire.

L’ampleur du malaise social que l’on décrypte si facilement dans ces tentatives d’émigration clandestine est en réalité un puissant baromètre de l’extrême détresse de la jeunesse algérienne. Et il y a ce moment douloureux, désespérant, où l’on constate avec effarement que la jeunesse algérienne a produit des réflexes anti-nationalistes, antipatriotiques, et pense que vivre en Algérie est devenu un enfer. Ce cri de détresse de la jeunesse algérienne ne semble pas avoir été entendu, ni compris. Alors, ils préfèrent plutôt aller mourir en mer, comme pour lancer ce glaçant message que leur pays ne leur offre plus l’opportunité d’avoir un travail, de vivre décemment.
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Le mal est profond, il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle, mais une profonde crise sociétale, une fracture qui est en train de prendre des proportions alarmantes. Ce ne sont pas les projets aux potentialités économiques limitées, décriés d’ailleurs, comme le dispositif Ansej, qui vont colmater les profondes plaies sociales que plusieurs décennies de marginalisation et de hogra dans le recrutement, ont ouvertes sur un corps social déjà passablement malade par des politiques sociales désastreuses.

Aujourd’hui, face à ce phénomène de départs massifs de jeunes harraga, il y a les postures affligeantes du gouvernement, en particulier un silence lourd, dangereux, car il ne prend pas à sa juste valeur l’ampleur d’une détresse sociale qui n’a plus de limites dès lors que le phénomène de l’émigration clandestine est devenu une donnée sociologique avec laquelle l’Etat devra composer à l’avenir. Car il faudra, un jour ou l’autre, et le plus tôt serait le mieux, aller à la rencontre de ces jeunes, de cette énergie brute qui ne demande qu’à être bien taillée, de la rassurer, de la comprendre.
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Les querelles de clochers au sein des partis du pouvoir pour plus de pouvoir dans un pays économiquement exsangue font que sur le plan social le couteau est arrivé jusqu’à l’os avec ce dédain ostentatoire de reniement par les jeunes de leur identité, malgré sa richesse culturelle, son histoire plusieurs fois millénaire.

Faut-il y voir une sourde colère du président Bouteflika qui a rappelé à tous que «la force d’une nation se mesure à sa fidélité à son passé, à son patrimoine et à son histoire, et que sa faiblesse réside dans le reniement de son passé, l’abandon de son patrimoine, l’oubli de son histoire et le mépris de son enseignement ?»

par Mahdi Boukhalfa – Le Quotidien d’Oran

http://www.lequotidien-oran.com/?news=5270050

Les sept vies de Rabah «l’Américain» – Rabah Selhani. Aventurier, engagé dans l’armée américaine, gangster, maquisard, chef anti-terroriste

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«Lorsque nous serons tous coupables, ce sera la démocratie véritable.» 
Albert Camus

Il a été aventurier, engagé dans l’armée américaine, maquisard, instructeur et chef anti-terroriste.Du haut de ses 88 ans, Rabah égrène les moments forts de sa vie presque naturellement, sans en rajouter ni en tirer la moindre gloriole. L’homme est comme ça, vif et spontané, un homme ordinaire qui a vécu des histoires extraordinaires, rocambolesques, pleines de rebondissements. Lorsque nous allons à sa rencontre dans sa modeste demeure reconnaissable à l’emblème national qui flotte aux quatre vents sur la terrasse, l’homme, de taille modeste,  nous reçoit avec une élégante courtoisie, précisant que sa porte a toujours été ouverte à ceux qui le sollicitent.

Nous raconter sa vie heurtée, parfois tourmentée, n’est pas un simple exercice. Mais l’homme extravagant est un bon vivant et il le fait savoir. La vie, reconnaît-il, est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. Et les faits historiques, même les plus humbles, ne sont-ils pas la vie ? Le commencement a lieu au milieu des années 1920 près de Sétif où est né Rabah dans une famille nombreuse menée par le patriarche Slimane. Le village Maouya, à mi-distance entre Jijel et Sétif, est niché non loin de la ville antique de Djemila, dans une zone montagneuse, aride, isolée où la pauvreté est la marque de fabrique d’une population brimée et livrée à elle-même. Peut-on raisonnablement y vivre sans laisser de plumes ?

Les grands ennemis du bonheur de l’homme sont au nombre de deux : la douleur et l’ennui. Rabah en a bien conscience, lui qui a décidé de voir ailleurs si les cieux sont plus cléments. C’est ainsi qu’exaspéré, l’esprit en haillons, à 15 ans, il fuira cette misère insupportable pour gagner Alger où il espère y mener une vie plus décente, en tous cas moins pénible. Son point de chute, à l’instar des migrants sétifiens, est à Chéraga et ses environs, où il travaille dans les vergers des colons.

Un enfant de la balle

A 17 ans, Rabah veut changer de cap en s’engageant dans l’armée américaine qui venait de débarquer à Alger. Mais il est encore mineur et il sait que sa demande sera rejetée. Rabah retourne au bled, le temps de soudoyer un agent de l’état civil qui s’arrangera pour lui ajouter une année sur son acte de naissance. Il rejoindra les GI’s à Alger en pleine Guerre Mondiale. «Ils m’ont accueilli avec enthousiasme à la gare de l’Agha ; ils nous ont transportés dans des camions au Caroubier où nous dormions sous des tentes. La vie était monotone, jusqu’au moment où l’état-major a décidé de nous envoyer à Annaba puis à Bizerte, ensuite à Sfax.» Puis, ce sera la campagne de Libye sous le joug des Italiens. Sur les 11 000 hommes, il ne restait que 4000 au débarquement d’Italie. Les autres sont morts au combat. Rabah restera quelques mois en pays transalpin en livrant quelques batailles sur le front, avant de se fixer avec son bataillon à Baden Baden. Il obtiendra le grade de caporal – en portant le treillis américain pendant  11 ans – jusqu’à la fin de l’année 1954 où il se trouvait près de Bordeaux, dans l’arrière-pays girondin.C’est là qu’il prend la décision de déserter avec armes et bagages. Il se marie avec une Française et intègre «le milieu», où il est connu sous le sobriquet de «l’Américain». Il est redouté et ses frasques sont nombreuses, mais les truands lui vouent respect et considération. «J’avais toujours une arme sur moi et je me défendais bien dans le milieu du banditisme, mais cela ne pouvait durer.»

Des amis le contactèrent pour l’intégrer dans les réseaux du FLN implanté dans l’Hexagone. Mais un jour d’été 1958, dans un bar, un type est «descendu» et Rabah s’y trouvait. Il est vite désigné comme étant l’auteur de ce crime. II réussira à s’enfuir, sa photo est affichée dans les commissariats et la presse se fait l’écho de cet attentat commis par «l’Américain». Recherché et traqué, Rabah se fera établir des papiers d’identité marocains en Espagne qu’il gagnera en prenant toutes les précautions pour ne pas être arrêté. Il séjournera quelque temps à Madrid, avant de gagner Tanger où il y restera un mois. Il prendra attache avec les éléments du MALG, puis ce sera Kenitra, Rabat, Casablanca et enfin Fès où il séjournera 3 longs mois qui finiront par exaspérer notre homme habitué à l’action alors qu’il avait l’impression d’être en villégiature. «Je suis ici pour combattre et non pour  me prélasser, avais-je signifié aux responsables du FLN qui finiront par me diriger à la frontière orientale du Royaume chérifien.

«C’est à Berkane et à El Arayche que j’avais été affecté. Il n’y avait qu’un oued qui séparait les frontières entre le djebel Bensmir et le djebel Amour. Nous étions dirigés par le commandant Mohamed Allahoum un homme d’une grande valeur et d’une probité exemplaire. Dans notre groupe, il y avait des éléments de la Légion qui avaient rejoint le FLN. Mais comme ils ne pouvaient supporter les conditions sévères dans lesquelles nous vivions, ils ont fini par partir. Je les soupçonne de nous avoir livrés à l’ennemi qui nous a surpris un jour. En livrant bataille, j’ai été blessé, arrêté et emprisonné à Aïn Sefra pendant plusieurs mois. Je ne fus libéré qu’à la veille de l’indépendance.» En 1962, Rabah est hébergé chez sa sœur à Kouba, où il s’invente une autre mission, celle d’un entraînement paramilitaire destiné aux jeunes et qui connaît un engouement certain dans l’euphorie ambiante du recouvrement de l’indépendance. Son «camp», basé à Jolie Vue, ne désemplit pas et les jeunes pleins d’énergie affluent de partout.  

Fort de son passé de baroudeur, Rabah se fait  aussi logeur, casse les appartements vides laissés par les colons et fait le bonheur de plusieurs familles, passant outre les directives du «Nidham».Rabah se remarie avec une Algérienne, fait quelques petits boulots à droite et à gauche, repart en France pour quelques jours, avant d’intégrer la SNS alors, mastodonte de l’industrie algérienne. Lorsqu’il était machiniste dans cette entreprise, il prit la tête de la contestation et de la protestation contre les conditions de travail avec une dizaine de ses camarades, paralysant l’entreprise. A l’époque, la grève était peu envisageable dès lors que ses auteurs encouraient de lourdes conséquences.

Une vie mouvementée

Mais lorsque le ministre de tutelle sut que Rabah en était le meneur, il dut refreiner sa colère, considérant que Rabah, le patriote qui s’est tant sacrifié pour son pays, ne pouvait en aucun cas lui nuire. Les revendications exprimées furent exaucées et aucune poursuite ne fut engagée contre Rabah et ses compagnons. «Il fallait être courageux pour faire ce qu’on a fait à une époque où les foudres tombaient facilement sur tous ceux qui allaient à contre courant du pouvoir.» A la fin des années 1980, Rabah est admis à la retraite, mais cet homme qui affectionne l’action ne peut rester les bras croisés, c’est ainsi que durant la décennie noire, Rabah est garde du corps du maire de Baraki. Comme de bien entendu, ce poste l’exposait à tous les périls et sa tête est mise à prix par les «terroristes» qui sévissaient ouvertement dans cette région.«Ils sont venus le 1er janvier 1994 à minuit. Ils ont encerclé la maison. Sentant le danger imminent, mon fils me cache dans un grand fût. Ils sont rentrés dans la demeure, ont cherché partout et sont repartis bredouilles», se souvient Rabah qui dut cependant rester hébergé pendant 4 mois au sein même de la mairie. Les terroristes viendront chaque soir chez lui, dans l’espoir de le trouver, non sans créer la panique au sein de sa famille traumatisée. Rabah se résignera à partir en France. «Là-bas aussi il ne restera pas tranquille», concède Ali, son neveu. Dans les mosquées qu’il fréquentait, il ne manquait pas de fustiger les «barbus» qui venaient collecter l’argent en tenant un discours contraire aux préceptes de l’Islam, religion d’amour et de paix. Alors qu’eux appelaient à la violence et à la haine.

Justicier intrépide

A son retour de France, Rabah constate que sa famille a été transférée à Ouled Yaïch à l’entrée de Blida. Mais il la persuadera de rentrer à la maison, où un grand emblème national est hissé sur la terrasse.Rabah et ses enfants sont armés et prêts à en découdre. «Dès la tombée de la nuit, c’est un véritable climat de psychose qui s’installe. Aux alentours, des intimidations fusent en direction de la demeure : ‘‘Ya taghout on t’aura tôt ou tard’’, hurlent les assaillants», se souvient l’épouse de Rabah. «Un soir, il y a eu un accrochage, et autour de la maison, les terroristes ont été reçus à coups de fusil. Ils ont été échaudés et ne sont plus revenus. Ainsi, Rabah qui a armé tous les voisins a libéré le quartier définitivement», lance fièrement sa fille. Entre facéties et sérieux, ce presque nonagénaire est toujours en mouvement. Ils nous raconte cette histoire cocasse avec un humour exquis : «Un jour, j’ai vendu ma voiture sans régulariser les papiers avec l’acheteur ; or, le véhicule en question a été utilisé par les terroristes pour un attentat.

On a convoqué l’acheteur, et on est venu me chercher pour une garde à vue au commissariat. Après une brève discussion et sûrement après des recherches, j’ai constaté, éberlué, la libération de l’acheteur. L’inspecteur est venu me dire que j’étais citoyen américain et que peut-être même un agent du Mossad, j’en ai ri jusqu’aux larmes ! Mais les inspecteurs de police m’ont quand même accompagné jusqu’à la maison. Le lendemain, je suis parti à l’ambassade américaine, à Alger, et leur ai exprimé mon vœu d’aller en Amérique. Il n’y ont pas trouvé d’inconvénient, sauf que si j’y allaiss selon un des employés, j’encourais une peine de prison de 10 ans ! Pourquoi ? Parce que je suis toujours considéré comme déserteur de l’armée américaine, cela remonte à loin !

Mais ils n’ont pas oublié. Ils m’ont quand même refilé 300 $ !» Un itinéraire cabossé mais riche en événements. Rabah a-t-il aimé cette vie de guerrier ? Dans le feu du combat et le brouillard de la guerre, il consent toujours à dire qu’il ne regrette rien de tous ce qu’il a fait et qu’il est plutôt fier de son parcours. «Quand on n’a presque rien, on ne risque pas de tout perdre», aime-t-il à répéter, lui le petit rien du tout de Maouya qui a pratiquement traversé le siècle avec ses fureurs et ses horreurs, ses joies et ses peines, sans perdre ses plumes, avec cette sensation forte d’avoir pleinement vécu sa vie comme il l’a voulu !

Hamid Tahri – El  Watan  le 01.03.12

Il y a 58 ans,les clameurs de Belcourt resonnaient à Manhattan…« Le 11 décembre 1960 a été un formidable détonateur » Ahmed Haddanou dit Ahmed El Caba, ancien militant de la cause nationale. Par Hamid Tahri

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Il y a 58 ans,les clameurs de Belcourt resonnaient à Manhattan... « Le 11 décembre 1960 a été un formidable détonateur »  Ahmed Haddanou dit Ahmed El Caba, ancien militant de la cause nationale. Par Hamid Tahri dans ALGERIE HISTOIRE SOCIETE

« La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. » Paul Valery 
Le héros n’est pas celui qui se précipite dans une belle mort, c’est celui qui se compose une belle vie…

Quand on passe un moment en sa compagnie, on comprend pourquoi il n’aime pas trop se livrer et s’afficher, préférant l’ombre à la lumière. Modeste et discret, il n’est pas du genre à se mettre sous les feux de la rampe, préférant la lumière qui éclaire à celle qui éblouit. Derrière ses lunettes, le regard sévère est d’une pétillante acuité. A 83 ans, l’intelligence tout en élégance, fidèle à ses valeurs, Ahmed El Caba, de son nom Haddanou Ahmed, ouvre de bonne grâce son album de souvenirs. Il nous ouvre son cœur et le café qu’il gère en plein quartier de Belouizdad. « Les employés sont partis fêter l’Aïd chez eux. Je ne pouvais les retenir », commente-t-il résigné. Ahmed incarne une époque dont on hume déjà la fin. « C’est peut-être le moment d’écrire l’histoire avec le témoignage de ceux qui l’ont vécue, sinon ce sera trop tard », lâche-t-il. Il aura vécu tout le bruit, toute la fureur de ce pays en annonçant fièrement qu’il a commencé à militer très jeune au début des années 1940. Incapable d’oubli, c’est assurément la culture de l’oubli et les occultations qui l’horrifient. Ahmed El Caba ?

L’appellation saugrenue a de quoi intriguer. Mais pourquoi diable traîne-t-il ce sobriquet ?. « En vérité, c’est mon frère aîné Ali qui était ainsi surnommé. Il possédait un cabas rouge à la mode à l’époque qui l’accompagnait toujours lorsqu’il allait au boulot. C’était le seul qui travaillait dans le quartier. Les jeunes lui avaient collé ce qualificatif qui m’a été refilé par la suite. » Les souffrances, les injustices, la solitude, la peur, les luttes discontinues, tout ça, il finira par les sortir de « son cabas » pour nous conter le cours de sa vie faite toute de militance. Ahmed est né le 27 mars 1925 au boulevard Cervantes à Belcourt. Il est le deuxième d’une famille de quatre frères et une sœur sur lesquels veillait Rabah, le père, qui gagnait sa vie dans la chaudronnerie. Ahmed a étudié pendant 3 ans à l’école de l’Allée des Muliers à Belcourt. Autant dire qu’il n’a pas vécu dans les livres, puisque très jeune, il entre dans la vie active en étant apprenti ajusteur à la mécanique agricole aux Champs de Manœuvres, dont l’endroit abrite aujourd’hui le ministère de la Jeunesse et des Sports. Il est ajusteur à la rue Marée. « On fabriquait des boucles de ceintures chez un juif. »

Il adhère au PPA en 1943

Il fera de petits métiers et gagnera sa vie dans la revente dans la fameuse aâquiba. Il adhère au PPA en 1943 alors qu’il venait tout juste de sortir de l’adolescence. Il faisait la liaison entre Ahmed Bouda, dirigeant du parti, et les autres responsables nationalistes. « Comme Bouda tenait un magasin à Cervantes, il était constamment surveillé. Il me chargeait de porter des messages car je n’éveillais pas les soupçons de la police. J’assistais aux réunions de la cellule du parti que j’ai fini par intégrer. » Ahmed trouve ainsi sa voie dans la politique aux côtés de Abdelkader Rebbah, cousin de Lakhdar et qui l’initia aux luttes jusqu’à l’avènement du comité Jeunesse de Belcourt en 1944. « On m’a donné l’ordre de rejoindre l’organisation des jeunes de constituer le premier comité local dans mon quartier. Il y avait Iloul, Abdelkader Ould Larbi, Boucetta Abdelkader, Boualamallah Ahmed et d’autres… »
La manifestation du 1er mai 1945 àAlger sonnera comme un déclic et radicalisera ses convictions. « J’y ai participé en deuxième ligne derrière Belhaffaf. Cette manifestation pacifique se terminera dans le sang avec la mort de Boualamallah Ghazali, Belhaffaf et Ziar de St Eugène. D’autres ont succombé sans que l’administration le sache. » La répression s’est abattue sur la population musulmane, surtout à Belcourt, bastion principal du PPA à Alger. « L’administration a lancé toute sa police dans le quartier. On a dénombré pas moins de 350 militants arrêtés. Pratiquement la moitié des effectifs recensés par le trésorier du CJB, Tazir Bacha. J’étais agent de liaison de Mohamed Belouizdad, détaché à Constantineet M’hamed Yousfi à Oran, qui étaient avec Mahsas, Larab, Tazir Bacha, Belhaffaf et Ouzoua, les fondateurs du comité Jeunesse de Belcourt. » Ahmed est arrêté quelques semaines après à La Casbah, avec Moundji Zine El Abidine, Faïd Ahmed et Tahar.

Il restera 11 jours entre les mains de la PJ. La police avait trouvé sur lui des armes et des cachets humides du parti. Il est incarcéré à Maison Carrée, puis à la prison militaire de Bab El Oued, enfin au fort de Bouzaréah. Il ne dut sa libération qu’à la faveur de l’amnistie générale en 1946 où Ahmed devient permanent du PPA. « Le parti cherchait à se doter en armes. On avait réussi à repérer l’endroit où les Anglais avaient entreposé l’armement : des grenades surtout. C’était des baraquements du côté de Birkhadem. Mohamed Belouizdad avait donné l’ordre de s’emparer du maximum de ces munitions. » En 1947, à la création de l’Organisation spéciale (OS) Ahmed est chargé par Belouizdad et Yousfi de trouver des agents de liaison dans les bateaux, mission qu’il ne pourra accomplir pour cause de maladie. Ahmed militera à Belcourt jusqu’en 1950, puis Benkhedda l’envoie dans les Bouches du Rhône où il est responsable du parti, représenté à l’époque par M’hamed Yazid, Tayeb Boulahrouf, Boulkroua Moussa, Boumaza Bachir et Moundji Zine El Abidine. Mais avant son départ en France, Ahmed connaîtra la première fracture du parti avec ce qu’il est convenu d’appeler la crise berbériste. « Elle a bien existé ! Je l’ai vécue à Belcourt où les chefs de cette action étaient Aït Ahmed, Ouali Benaï et Omar Oussedik. Le plus résolu des trois était Benaï, cousin du colonel Amirouche. Ils ont essayé de faire admettre leurs revendications, en vain.

La plupart d’entre eux ont in tégré le Parti communiste Algérien. Aït Ahmed est resté digne et égal à lui-même. » Ahmed pourrait s’étaler davantage sur cette péripétie, mais il le dit comme ça assez vite, pour ne pas avoir à revenir dessus. Il rebondit sur son itinéraire enFrance où il noue des relations avec des Algériens travaillant au port de Marseille. « De ma propre initiative, j’y ai constitué une cellule du parti. Lorsque l’OS a été démantelée, c’était la panique. Aït Ahmed était activement recherché. Le parti a décidé de le faire évacuer en France pour prendre ensuite le chemin du Caire. C’est moi qui étais chargé de cette mission à partir d’Alger. A Marseille, c’est Filali M’barek qui l’a pris en charge jusqu’à Paris. Avant, je m’étais occupé de Ben Bella, Mahsas et Khider, ancien condamné à mort. Un gars de Dellys, homonyme de l’autre Khider. » Ahmed reste à Marseille jusqu’en 1952.
L’ombre de Messali Hadj

La crise du parti éclatait au grand jour et commençait à agacer les militants. « J’ai donné ma démission de la permanence en restant simple militant. J’en ai fait part à Ben Khedda. Le seul service que je demande au parti, c’est de ne pas me demander pourquoi je laisse la permanence, avais-je signifié aux responsables. Comme je l’avais pressentie, la crise s’est accentuée en France et ni Boudiaf ni Didouche, responsables du parti dans l’Hexagone, ne pouvaient y remédier. J’ai été envoyé au sud de la France avec Mahsas pour essayer d’arranger les choses, mais le différend était profond. Malgré toute notre bonne volonté, on n’a pas réussi à endiguer la crise. Boudiaf et Didouche sont retournés à Alger pour s’occuper du CRUA et annoncer l’imminence de la lutte armée. » Ils sont nombreux à imputer cette situation de crise larvée, puis carrément ouverte à Messali Hadj.

« Je sais que beaucoup a été dit et écrit à son propos, des fois de manière désagréable et injuste. Lorsque la crise commençait à se dessiner, il était question qu’il parte au Caire pour prendre attache avec les pays arabes et musulmans. Il devait y rester mais il est revenu au pays en 1952. A-t-on voulu se débarrasser de lui ? A son retour à Paris, le hasard a voulu que je sois présent à son arrivée. Il y a eu des différends avec lui, mais il n’a jamais trahi. En fait, qui a-t-il trahi et quoi au juste ? N’a-t-il pas condamné le comité fantoche créé avec la bénédiction de Michel Debré qui avait intronisé un ancien de l’Etoile nord-africaine, Benamar Khelifa, à la tête d’un énigmatique Fad pour tenter de contrer les véritables nationalistes ? Le 14 juillet 1954, Didouche débarque àParis. Ahmed est parmi les premiers à le contacter et de discuter des tenants et des aboutissants de cette crise qui a douloureusement ébranlé les assises du parti. Didouche m’a informé de la nouvelle organisation mise en place. « La Révolution va être déclenchée très bientôt », m’avait-il annoncé. 

« N’est-ce pas suicidaire, lui ai-je rétorqué. Il m’a répondu : C’est la seule manière de sauver l’Algérie. Il avait réussi à me convaincre de la nécessité de la lutte armée. mais je continuais à m’interroger. Demain, lorsque l’indépendance sera acquise, qui dirigera ? Tu sais très bien que ce n’est pas nous. Nous sommes une minorité au déclenchement, nous le resterons demain si Dieu veut nous mener à la victoire. Mais gare à celui qui cherchera à accaparer le pouvoir. Je te conseille de ne plus jamais y penser. C’était sur ces mots que nous nous sommes quittés. » Ahmed s’attelle à créer des cellules FLN dans Paris et sa région. Il est arrêté en 1957, transféré à Skikda, puis à Constantine et au Camp Djorf à M’sila, au fameux camp de Bossuet, enfin à Sidi Chahmi. Il est libéré en 1960 pour reprendre ses activités militantes. Il participe aux évènements du 11 décembre dont il continue à penser que leur déclenchement à Belcourt a été spontané.

« Rouchaï Boualem, qui avait été chargé par la wilaya 4 de réorganiser Alger, avait pris en mains les évènements. Il faut dire que la révolution s’essoufflait et était presque à genoux. C’est grâce à cette manifestation que les maquis ont repris. La voix de l’Algérie combattante s’est fait entendre à l’ONU. Indéniablement, cela a été un formidable détonateur. » Recherché, Si Ahmed replonge dans la clandestinité. Il embarque pour la France à partir de laquelle il gagne l’Allemagne où il travaille dans la logistique destinée au FLN. Il rentre dans le MALG où, avec Abdesmed, il est chargé de transférer des armes surAlger. « Celui qui venait les récupérer sur place était un Belcourtois, Salah Lehouaoui, doté d’un courage exemplaire. » A l’indépendance, Ahmed rentre au pays où il continue de militer au FLN jusqu’au coup d’Etat de 1965. « A partir de ce coup de force, j’ai rejoint l’opposition avec Mohamed Lebjaoui et Lakhdar Rebbah et bien d’autres. Nous avons fait l’impossible pour changer les choses, mais nous n’avions pas les moyens.
Ça n’a pas réussi malheureusement ou heureusement… », confie-t-il sentencieusement. Ahmed restera farouchement opposé au régime en place jusqu’à la mort de Boumediène en 1978. Comment il voit l’Algérie d’aujourd’hui ? « Ma conviction est qu’on aurait pu mieux faire pour un mieux-être. Malheureusement, les choses n’ont pas évolué comme il se devait. C’est un peu décevant mais je ne perds pas espoir. La Constitution ? J’aurais voulu qu’on n’y touche pas. L’actuel chef de l’Etat est venu avec une idée, éteindre le feu de la fitna. Il a presque réussi. C’est tout à son honneur, mais j’aurais voulu qu’on fasse jouer l’aternance et qu’il cède sa place à d’autres. Notre pays est encore dans la crise, mais je suis certain, voire convaincu, qu’il sortira de cette mauvaise passe dans quelques années… Ahmed est un homme d’hier qui n’a pas renoncé à aujourd’hui. La lueur qui éclaire ses yeux renseigne sur ses convictions profondes de lutteur de fond. « L’Algérie saura s’en sortir », soyez en sûrs, martèle-t-il en guise de conclusion…
Parcours

Ahmed Haddanou, plus connu sous le nom de Ahmed El Caba, est un enfant de Belcourt où il est né le 27 mars 1925. Au début des années 1940, il commence à militer au sein du PPA dont il défendra les causes jusqu’à la fameuse crise qui a secoué le vieux parti nationaliste. Si Ahmed intègre le FLN et accomplit plusieurs missions. Arrêté à plusieurs reprises, il connaîtra les prisons jusqu’à sa libération en 1960. Il participe aux manifestations du 11 Décembre. « Formidable détonateur de la lutte armée en ce sens qu’elle lui a donné un deuxième souffle. » Il est foncièrement contre le coup d’Etat de 1965 et rejoint l’opposition qu’il ne quittera qu’après la disparition de Boumediène. A 83 ans, Si Ahmed, en observateur averti, garde un œil critique sur l’Algérie dont il ne désespère pas qu’elle se relèvera bien un jour. Si AHMED nous a quittés le 11 juin 2012. Paix à son âme. 

Par HAMID TAHRI - El Watan le 11 – 12 – 2008

Allah yteouel 3oumrek, ma chère Louiza, notre héroïne…

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Ma chère Louiza qui m’honore de ton amitié. Dieu te prête longue vie. Chaque fois que je te vois, que je te parle, tu me redonnes espoir en demain. A travers ton combat, celui de Djamila, de Djamila, de Djamila, d’Annie, de Baya, et de toutes les autres, je retrouve confiance. Car, ce peuple qui donné des femmes comme vous ne peut s’arrêter en chemin, ne peut être vaincu…

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